Décès de Daniel Darc
Daniel Darc a été retrouvé mort dans un appartement du XIe arrondissement de Paris. Il devait se produire jeudi à Chaumont dans le cadre du festival Rock Your Art organisé par Arts Vivants 52.
Ecorché vif du rock français depuis ses débuts dans les années 80 avec Taxi Girl, Daniel Darc, est décédé jeudi à l’âge de 53 ans après une carrière assombrie par les addictions et un penchant vers l’auto-destruction qui pouvait aller jusqu’à l’extrême.
Le chanteur a été retrouvé mort dans un appartement du XIe arrondissement de Paris, selon une source proche de l’enquête, qui a précisé que sa mort serait liée à une absorption d’alcool et de médicaments.Un autopsie devrait être effectuée ce week-end.
Né le 20 mai 1959 à Paris, très influencé par le mouvement punk, Daniel Darc voyait le rock comme un mode de vie et non une posture. Parfois jusqu’à l’extrême : en 1979, il n’ avait pas hésité à se trancher les veines sur la scène du Palace.
«J’aime pas jouer les vieux cons mais je viens d’un moment où le rock était dangereux, avait-il encore dit. J’aime ce danger-là», disait cet amoureux de Johnny Cash, Elvis Presley, John Coltrane et James Dean.
Passionné de littérature et d’arts martiaux, fasciné par Berlin et le Japon, il avait rejoint Taxi Girl en 1978, alors qu’il était élève au lycée Balzac.
Avec l’ambigu «Cherchez le garçon» et son unique album, le groupe s’ était imposé comme un des fers de lance de la new-wave à la française, apportant une esthétique trouble au rock hexagonal.
L’histoire de Taxi Girl, où a aussi débuté le futur collaborateur de Madonna, Mirwais Stass, était déjà marquée par les addictions. En 1981, le batteur Pierre Wolfsohn succombait à une overdose.
«mort ou en prison»
Le groupe avait éclaté cinq ans plus tard et Daniel Darc s’était lancé dans une carrière solo.
Un premier album «Sous influence divine», réalisé avec Jacno, haut-marnais d’origine et autre figure marquante de la new-wave, décédé en 2009, était sorti en 1987, suivi en 1988 par «Parce que».
Mais Daniel Darc avait emprunté des chemins tortueux, entre «galères» qui l’ont conduit en prison.
Longtemps considéré comme un pestiféré par l’industrie du disque, il avait signé en 2004 après dix ans d’absence un retour foudroyant avec «Crève Coeur».
L’album, l’un des meilleurs de cette année-là et un succès public, lui avait valu à 45 ans une Victoire de la musique de l’album révélation de l’année.
«Sans le punk et l’écriture, je serais forcément mort ou en prison, parce que rien d’autre ne m’intéresse. Il n’y a qu’avec ça que j’arrive à me débarrasser un peu de tout ce qui me fait chier», assurait-il.
Il entretenait des relations complexes avec la drogue : «Quand les gens disent +problèmes de drogue+, je dis +solutions de drogue+. Sans les drogues, je serais mort depuis longtemps, j’aurais pas pu supporter tout ce qui se passe», affirmait-il.
Pour tenter de rompre avec ses années d’excès, le chanteur d’origine juive s’était converti au protestantisme. Sa ferveur, qu’il évoquait souvent pendant ses concerts ou en interviews, imprégnait ses derniers disques «Amours suprêmes» (2007) et «La taille de mon âme» (2011).
Si ces deux albums n’avaient pas connu le succès de «Crève Coeur», ils avaient été salués par la critique. Daniel Darc y déployait une écriture poétique et torturée, empreinte de ses obsessions existentielles et chantée d’une voix fragile et traînante.
Visage racé, silhouette voûtée et bras entièrement recouverts de tatouages, il était encore sur scène au printemps dernier, notamment au Printemps de Bourges où il avait donné un concert habité. Il devait se produire jeudi 7 mars à Chaumont dans le cadre du festival Rock Your Art.
«Quand je mourrai, j’irai au paradis/C’est en enfer que j’ai passé ma vie», chantait-il en 2007.
L’hommage du milieu
Le monde de la musique pleure Daniel Darc en saluant «un poète» qui a «longtemps flirté avec la mort, triché avec la vie».
«De l’artiste, nous retiendrons l’oeuvre, le plaisir qu’il avait à être sur scène, les tourments et l’exigence qui hantaient sa création. De l’homme, nous retiendrons la gentillesse, l’intelligence, l’humour, l’humilité et l’extrême sensibilité qui le caractérisaient», écrit sa maison de disques Sony dans un communiqué.
Daniel Darc a «toujours su trouver les mots justes, ceux qui marquent l’âme et le coeur, ceux qui nous manquent aujourd’hui pour exprimer l’immense émotion que provoque sa disparition», poursuit Sony, saluant un «poète et auteur d’exception».
Daniel Darc a «flirté longtemps avec la mort, triché avec la vie, vivant chaque instant avec l’intensité des êtres qui ne comptent rien. Permanent de tous les excès, il laisse le souvenir d’un homme sensible, cultivé et spontané, d’un être en dehors des cases», estime la Sacem, dont il était membre depuis 1980.
Les hommages se multipliaient également sur Twitter.
«Artiste lunaire, écorché vif, il passa sa vie à essayer de dompter ses démons. Un rock des 80 se meurt. Cherchez le garçon RIP Daniel Darc», a ainsi écrit sur le réseau social le Pdg d’Universal Music France, Pascal Nègre.