Déblocage – L’édito de Patrice Chabanet
Il aura donc fallu plus de cinq mois pour que l’Allemagne sorte de l’impasse politique où elle se trouvait depuis les législatives. Les militants SPD ont validé l’accord de gouvernement avec Angela Merkel. Ils l’ont fait à une large majorité (66%), ce qui constitue une surprise dans la mesure où de nombreuses voix s’étaient fait entendre pour dénoncer un ralliement au rabais avec la CDU. La reconduction de l’alliance entre les deux grands partis obéit en fait à l’instinct de conservation. Faute d’accord, on allait tout droit vers de nouvelles élections, avec le risque de voir l’extrême droite renforcer ses positions, au détriment de la CDU et du SPD. Ces derniers n’ont pas voulu le prendre. Les Cassandre prévoient de nombreuses turbulences dans l’attelage, et même le départ de la chancelière d’ici à deux ans. A voir. La solidité de son économie permet à notre voisine d’outre-Rhin de franchir les écueils politiques sans trop de casse. L’Allemagne de 2018 n’est pas l’Allemagne de Weimar.
Inutile de dire qu’à l’Elysée on se félicite de l’accord Merkel-SPD. Il ouvre la porte à une profonde réforme de l’Union européenne. Le couple franco-allemand est le seul à même d’en tracer les grandes lignes. Or dans la balance du pacte gouvernemental, le SPD a pesé lourd pour faire de la question européenne un dossier essentiel. Il était temps. Le populisme et le nationalisme soufflent fort sur le Vieux continent. Le Brexit en est l’exemple le plus marquant, mais il ne faut pas oublier ce qui se passe en Italie, en Hongrie, en Pologne où la parole extrémiste déferle sans complexe. La France et l’Allemagne ont du pain sur la planche pour ramener les citoyens vers l’idéal européen phagocyté par des considérations purement commerciales. Si Paris et Berlin ne parviennent pas à remettre l’Europe sur les rails, tout deviendra possible, y compris un solo de l’Allemagne, grisée par ses insolents succès économiques. Il ne faut jamais perdre de vue que le couple franco-allemand est déséquilibré. On est loin, très loin, du traité de Rome, en 1957.