De sang ou de sol – L’édito de Patrice Chabanet
« Radical ». C’est ainsi que Gérald Darmanin a commenté la fin du droit du sol qu’il prône pour Mayotte. Pour sûr, la mesure qui doit passer par une réforme constitutionnelle est radicale. Elle crée un précédent dans le droit français, en proposant une exception régionale. Le chaudron politique français s’est tout de suite mis à bouillir. La droite et l’extrême droite ont approuvé le ministre de l’Intérieur. La gauche et l’extrême gauche sont montés au créneau. Quant aux macronistes, ils se sont fait discrets, sans doute divisés sur la question.
Il faut dire que la question n’est pas facile, avec des faits qui interrogent dans l’urgence. Mayotte subit depuis plusieurs mois des vagues d’immigration clandestines venant des Comores. Nombreuses sont les femmes qui viennent accoucher dans l’île, sachant que l’enfant à naître sera français en vertu du droit du sol. La modification constitutionnelle apportera ou apporterait donc une réponse logique. Sauf que les spécialistes du droit constitutionnel nous mettent en garde contre une législation à deux vitesses.
L’extrême droite a sauté sur l’occasion pour demander la fin du droit du sol sur l’ensemble du territoire. C’est oublier que le droit du sang n’est pas la panacée. L’Allemagne nazie l’a utilisé pour annexer le territoire des Sudètes en Tchécoslovaquie, au motif qu’ils étaient germanophones. La Russie, aujourd’hui, s’appuie sur le droit du sang pour s’emparer des territoires russophones en Ukraine. Plus subtilement, les mouvements autonomistes qui rongent les Etats sur leurs franges extérieures s’appuient eux aussi sur le droit du sang. Droit du sol ou droit du sang, un vaste débat qui jalonne l’Histoire.