De la Centrafrique à Chaumont, le périple de Benjamin NGalle
Jusqu’en juin 2021, Benjamin NGalle, d’origine centrafricaine et vivant à Chaumont (52), était menacé d’expulsion. En juin, tout s’est accéléré pour lui : il a obtenu un titre de séjour et son CAP électricité. Portrait d’un jeune homme de 23 ans qui a grandi trop vite mais qui voit le bout du tunnel.
« Depuis mon enfance, je peux reconnaître les armes au bruit qu’elles font », explique Benjamin NGalle, aujourd’hui réfugié à Chaumont, en Haute-Marne. En 2013, alors que la Séléka, milice musulmane, renverse le président Bozizé, les violences montent d’un cran et une guerre civile, opposant chrétiens et musulmans, éclate. Le père de Benjamin, proche de l’ancien pouvoir, fait partie des victimes. Sa mère décide de fuir et de quitter le pays avec ses six enfants pour survivre. « Là-bas, quand une personne est tuée, on cherche à faire disparaître toute la famille pour que personne ne puisse se venger », explique Benjamin NGalle.
Au bout de sept jours en camion, ils arrivent au Cameroun. Quelques mois plus tard, Benjamin, l’aîné, se rend bien compte des difficultés que rencontre sa maman. Alors, pour ne pas « être une charge », il décide de s’en aller pour travailler. « Elle ne pleurait pas devant nous mais elle se cachait, je le savais », se souvient-il. Pour avoir le courage de partir, il lui dit qu’il reviendra vite même s’il sait que ce sera sûrement faux. « Il ne fallait pas qu’elle pleure mon départ. Sinon je n’aurais pas pu. »
Arrivée en France
Le périple de Benjamin NGalle, alors âgé de 15 ans, est long. Il arrive d’abord au Nigéria, où il se fait dépouiller. « J’ai vu que ce pays n’était pas en paix », explique-t-il, découvrant l’existence de la secte islamiste Boko Haram. Il repart donc jusqu’au Niger. Il travaille un peu dans un restaurant mais « le désert et les Touaregs (l)’ont effrayé. » Il décide encore de repartir, « avec l’ambition de réussir ». Algérie, Maroc, Espagne… Le voyage continue pour Benjamin. À chaque fois, il reste quelques mois, apprend un peu l’arabe, l’anglais et l’espagnol, travaille et dort là où il peut… « Parfois, on me chassait mais ce n’était pas grave. Au moins, je n’entendais pas le bruit des balles… » Sa vie est donc plus tranquille mais il cherche un endroit plus familier. Il franchit donc la frontière française. « Quand j’ai entendu le premier “bonjour”, je me suis dit qu’ici je pouvais m’exprimer parfaitement ! », se rappelle-t-il.
À Paris, il se confronte à la neige et au froid, ces inconnus. Il est ensuite transféré à Metz puis à Chaumont en 2018. Grâce au Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), il comprend qu’il peut aller à l’école, plus précisément au lycée Decomble. Benjamin a un rêve : celui de devenir électricien. « Quand j’étais petit, il n’y avait presque pas de courant dans le pays. Grâce à mon grand-père, qui s’y connaissait, on avait la lumière ! » Avant de faire sa rentrée, le jeune homme étudie. Il ne se sent pas assez à l’aise à l’écrit alors il se plonge dans les livres et dictionnaires. Au lycée, il se place rapidement dans le haut du panier.
Un soutien
En octobre dernier, coup de massue. Sa demande de régularisation est refusée par la Préfecture et Benjamin NGalle est menacé d’expulsion. Son entourage lance une pétition et se bat pour changer cette décision. Le jeune homme est au plus mal, ne sait pas ce qu’il va devenir. Il ne dort presque plus et pense même à laisser tomber, même s’il fait toujours l’effort de sourire. « Le Cada et mes professeurs ne m’ont pas lâché, m’ont écouté, encouragé, remonté le moral. Ils sont comme ma famille », explique-t-il, reconnaissant. « Depuis que j’ai quitté ma mère, j’ai fait toute ma vie seul. J’ai tout recommencé à zéro ! » Le 15 juin dernier, la bonne nouvelle arrive lors d’un rendez-vous en Préfecture. Benjamin NGalle, aujourd’hui âgé de 23 ans, a le droit de rester en France pour étudier.
Laura Spaeter
l.spaeter@jhm.fr
À la recherche d’un patron
Maintenant titulaire d’un CAP, Benjamin NGalle est inscrit en Bac pro électricité et cherche un patron à Chaumont pour le faire en alternance, car il n’a pas encore le permis. Pour l’instant, ses demandes sont restées sans réponse.