« De Gaulle a toujours été un homme d’après-demain »
L’ancien ministre Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles-de-Gaulle, sera présent lors des cérémonies de célébration des 50 ans de la Croix de Lorraine à Colombey-les-deux-Eglises. Il revient pour le JHM Quotidien sur le rôle de la Fondation dans la transmission de la mémoire gaullienne.
JHM-quotidien : Votre présence à Colombey-les-Deux-Eglises démontre l’importance de cet événement pour la Fondation De Gaulle : pouvez-vous revenir sur le lien historique qui la lie à cette croix ?
Hervé Gaymard : Dès sa construction en 1972, une souscription publique a été menée pour créer la Croix de Lorraine. Depuis cette date, la Fondation De Gaulle en est propriétaire. En concertation avec Nicolas Lacroix, président du Département, et Jean Rottner, président de Région, nous avons donc trouvé important de rappeler ce moment symbolique. Celui-ci intervient une année où l’actualité du message gaullien est d’autant plus visible. Ce message se décline en trois points. Le premier : il n’y a jamais de fatalité. Ce refus du renoncement est éternel. Le second : la volonté de concilier liberté économique et progrès social. Depuis 1950, cette question est toujours posée et n’a jamais été résolue. Enfin, le fait de mener une politique étrangère autonome tout en étant ouverte sur le monde. La cérémonie de célébration des 50 ans de la Croix n’est pas une simple commémoration car le général De Gaulle est non seulement un homme d’hier mais a toujours été un homme d’après-demain.
Jhm-quotidien : Cela signifie que de nouveaux enjeux scientifiques se posent dans la transmission de la mémoire gaullienne. Quel est alors le rôle joué par la Fondation ?
H. G. : Le cœur de sa mission réside dans l’animation de la recherche historique autour de débats faisant le lien entre l’Histoire, l’actualité, et le futur du gaullisme pour éclairer les enjeux de demain. C’est ce à quoi s’emploie le Conseil scientifique présidé par Arnaud Teyssier, et composé d’historiens de toutes nationalités et indépendants. L’ouvrage que je codirige avec Arnaud Teyssier intitulé « Demain la Ve République » – qui fera l’objet d’une présentation samedi – en est un exemple. Il regroupe des opinions plurielles pour poser la question de l’héritage du projet gaullien de la Ve République aujourd’hui. Le second rôle de la Fondation concerne la perpétuation des lieux de mémoire comme la Croix de Lorraine et son terrain dont la Fondation est propriétaire, ainsi que le Mémorial de Colombey dont elle est actionnaire minoritaire, enfin La Boisserie dont elle prend en charge la gestion. Un travail est mené en bonne intelligence avec la Région Grand Est, le Département et la commune pour la mise en place d’un Plan de redynamisation du site de Colombey. Enfin, la Fondation endosse un rôle de pédagogie et de transmission, qui fait écho à sa vocation citoyenne générale.
Jhm-quotidien : Ces travaux scientifiques répondent-ils à une nécessité de redéfinir ce qu’est la mémoire gaullienne aujourd’hui ?
H. G. : Absolument. De Gaulle était très critiqué de son temps mais aujourd’hui tout le monde s’en revendique. Nous avons d’ailleurs publié en décembre 2021 un communiqué en contestation de propos qui n’étaient pas conformes à la réalité historique, comme par exemple certaines affirmations qui veulent faire du général de Gaulle un anti-européen. Je précise que la Fondation De Gaulle est bien une organisation apolitique, mais quand il y a des trafiquants d’Histoire, notre rôle est de rétablir la vérité. Charles de Gaulle a bien eu un rôle de chef politique et militaire, qui est une traversée du XXe siècle. Entre 1914 et 1970, il s’inscrit dans l’Histoire française et européenne. Mais ensuite, il y a un message gaullien, des repères qui constituent des invariants au service de la paix et du progrès humain.
Propos recueillis par Solène Clausse