Dans le sac à dos, 57 000 € de stupéfiants : 4 ans et 18 mois ferme pour le duo de trafiquants
Le contenu du sac à dos trouvé en mars dernier dans le cimetière de Bourbonne-les-Bains avait fait son petit effet. Cannabis, héroïne, cocaïne, et en quantité, ce melting-pot de stupéfiants pesait environ 57 000 €. Vendredi 28 juillet, le tribunal judiciaire de Chaumont a condamné David Souchet et Romain Ghione à respectivement 4 ans et 18 mois de prison ferme à l’issue d’une audience surréaliste.
20 mars 2023, un sac à dos est trouvé dans le cimetière de Bourbonne-les-Bains. A l’intérieur : 2,7 kg de cannabis, près de 125 gr d’héroïne et près de 300 gr de cocaïne. Des empreintes et/ou traces biologiques identifient David Souchet, 45 ans, et Romain Ghione, 35 ans. Ils comparaissent devant le tribunal judiciaire de Chaumont vendredi 28 juillet car ils sont soupçonnés de se livrer à un trafic de stupéfiants.
« C’est la personne de Paris qui m’a donné ce sac ». Si David Souchet accepte de le cacher alors qu’il est plein de stupéfiants, c’est qu’il a pris une résolution : « autant travailler du bon côté pour les faire tomber ». En rendant ce menu service à un dealer qui a échoué à écouler sa marchandise à Nancy, il va faire d’une pierre deux coups : il va aussi « arrêter les personnes (d’autres, NDLR) qui (le) menaçaient ». Dans le box des accusés, David ne tremble pas. Que le tribunal comprenne, on lui « a proposé de travailler pour l’OFAST -NDLR, office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants ». Après l’avoir interpellé à Orly, ses services, qui l’avaient inévitablement placé en garde-à-vue, ont « trouvé (son) profil intéressant ». Oui, il a alors bien écopé d’une 3e condamnation en lien avec les stupéfiants, mais David souligne sa modestie – on a ménagé le futur employé. Que le tribunal retienne qu’il « allait aider (l’office) à faire tomber un réseau ». La cohorte des justifications de ce Bourbonnais de 45 ans fait un récit explosif.
Estimant toutefois qu’il était déraisonnable de garder ledit sac chez lui, il l’a caché dans le cimetière. Après avoir reconditionné la cocaïne « pour qu’elle ne s’abîme pas », et avoir confié « seulement » le cannabis au second prévenu, Romain Ghione, pour éviter qu’il consomme les autres substances. Des faits qu’il assume avoir commis « une semaine avant » son arrestation « pour le dossier de Dijon, en février dernier. » Ledit dossier, un vol avec arme, lui valait déjà son placement en détention provisoire.
« Qu’on vous charge de faire tomber les trafiquants, ça vous semble crédible ? », ose le président Hizia Charef. David réplique sans hésiter : « un profil autodidacte qui peut s’infiltrer dans ces réseaux-là… ». Bref, et comment. Non, le procureur de la république Denis Devallois n’a aucune question à poser : « j’en ai entendu assez ».
Oui, ça fait deux affaires de stupéfiants
« Je n’ai pas ouvert le sac ». Pour sa part, Romain Guione a aidé son ami, qui savait lui donner « 1 ou 2 gr de cocaïne » – et qu’on ne confonde pas, c’est de l’héroïne dont il est sevré. En tout cas, il n’a rien acheté à David. S’il lui a glissé « un billet de temps en temps » , c’est qu’il n’est pas du genre à profiter. Et il a le sens du service : il a accepté d’accompagner son ami au cimetière, en restant à l’extérieur. C’était « avant d’être interpellé ». Dans le dossier de Dijon, lui aussi. A la deuxième question du représentant du ministère public, Romain confirme que cette autre affaire est « en lien avec les stupéfiants ». Puis sursaute. « Mais ce n’est pas l’heure d’en discuter ! », lance-t-il à l’adresse de Denis Devallois. Trop tard, il est lui-même convenu qu’il apparaissait encore dans une histoire de stupéfiants.
« Ce n’est pas sérieux »
On aurait deux collaborateurs occasionnels du service public, et qui travaillent en freelance… Ce n’est pas sérieux (…) C’est le profit qui motive ces deux personnes, dont l’audace les pousse à cacher (les stupéfiants) dans un cimetière ». Dans son réquisitoire, le procureur rappelle que sur les 8 condamnations de David, il y en a 3 pour trafic de stupéfiants – et sévères ; et que si d’autres motifs sont à l’origine des mentions au casier de Romain, il y en a 13, c’est un habitué de la barre. Et de requérir 3 ans de prison pour le premier, et 18 mois ferme pour le second dont 8 avec sursis, d’une obligation de soins et d’une interdiction de paraître en Haute-Marne. « Mon client serait un parrain de la drogue en Colombie quand ce n’est que la 5e roue du carrosse… », s’étrangle Me Loïc Henriot, pour son client Romain. « (Le mien) ne peut pas dire autre chose que ce qu’il a vu (…) Je ne pense pas qu’il soit dérangé au point de raconter (tout ça) », plaide Me Geneviève Lalloz pour David.
Après en avoir délibéré, le tribunal est allé au-delà des réquisitions du procureur. David Souchet a été condamné à 4 ans ferme, et Romain Ghione à 24 mois de prison assortis de 6 mois de sursis probatoire. Avant de valider le maintien en détention demandé également par le ministère public.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr