Cristallisation – L’édito de Christophe Bonnefoy
Le 1er mai n’est plus tout à fait ce qu’il était. Fête du travail, et seulement du travail ? Plutôt cristallisation des rancoeurs. Particulièrement cette année. Bien sûr, les revendications habituelles étaient bien présentes ce samedi dans les cortèges. Mais on devine que ce sont surtout les frustrations des derniers mois, et même carrément les restrictions qui régissent notre quotidien, qui ont inspiré les messages. En résumé, que ce 1er mai a surtout été l’occasion de manifester un ras-le-bol beaucoup plus large que s’il était simplement lié à une contestation sociale. Ce traditionnel défilé, il ne faut pas non plus se le cacher, a aussi lancé la campagne présidentielle. De la participation silencieuse aux cortèges à la tribune politique, certains ont franchi le pas. Et c’est logique, à seulement une petite année du scrutin.
Les combats de nos parents ou grands-parents sur les retraites ou les salaires étaient jadis simples à comprendre. Ceux d’aujourd’hui sont beaucoup plus complexes à disséquer. Parce qu’ils rassemblent, à défaut de les fédérer, une diversité d’acteurs.
C’était d’ailleurs là le plus gros danger pour l’exécutif : voir s’exprimer sur une seule journée une colère trop longtemps contenue. Des colères. On comprend mieux, ainsi, pourquoi les forces de l’ordre avaient clairement annoncé la couleur : on ne laissera rien passer, dès lors que les fauteurs de troubles viendront jouer la provocation. C’est ce qui s’est produit, mais heureusement plutôt à la marge.
On comprend encore plus facilement pourquoi Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen étaient en première ligne. Et pourquoi leur discours, contrairement à d’autres, a semblé audible. Ils jouent, eux aussi, la carte de la contestation. Des colères. Et ils savent parfaitement les attiser.