Courses d’enfer – l’édito de Patrice Chabanet
Paris-Roubaix n’a jamais eu la réputation d’une promenade de santé. Les pavés, la pluie, le brouillard, le froid, les chutes renvoient à une épreuve de forçats qui suscitent l’admiration des spectateurs. Un peu comme dans les jeux du cirque, on veut voir les champions terrasser les éléments. Cette année, pourtant, la dramaturgie est montée d’un cran. Un de trop. Le Tour du Pays basque a vu s’accumuler les glissades. De nombreux coureurs ont pu s’en relever, mais certains sont restés sur le carreau, compromettant la suite de leur saison. Avec une simple question, le Paris-Roubaix qui va se courir aujourd’hui va-t-il voir se multiplier le nombre d’incidents.
Ce serait grave. Le cyclisme n’est pas un sport de combat destiné à mettre à terre l’adversaire. Ce n’est pas non plus la version moderne de On achève bien les chevaux de Horace McCoy. Du moins cela ne devrait pas l’être. Or la modernisation du matériel et la prise de risques transforment l’épreuve en exercice dangereux. Certains directeurs sportifs commencent à tirer la sonnette d’alarme. A l’inverse, de jeunes compétiteurs brocardent cette retenue, avec la conviction qu’à un certain niveau, le cyclisme est devenu un sport extrême et qu’il faut l’accepter.
Ce côté inhumain, bâti sur la seule performance, tue le plaisir. En témoigne aussi la dictature de l’oreillette qui est censée diriger le coureur plus que son propre regard. Or l’automate ne peut tout voir, le coureur tombé juste devant lui, encore moins ceux, nombreux, qui se sont affalés sur la chaussée comme un seul homme. Gageons qu’aujourd’hui on assistera à un beau spectacle à la loyale. Et non pas à un défilé d’ambulances.