Côtes menacées – L’édito de Patrice Chabanet
Nos côtes souillées : ce sont des images qu’on n’aimerait plus revoir mais qui risquent de réapparaître. Au fil des heures se précise, en effet, le risque de pollution après le naufrage du Grande America. La seule incertitude qui demeure est le lieu de l’impact : la région de La Rochelle ou plus au Sud, vers l’Aquitaine. Certes, l’ampleur des dégâts n’aura rien à voir avec les grandes catastrophes du Torrey Canyon (119 000 tonnes de pétrole déversées dans la mer) et de l’Amoco Cadiz (223 000 tonnes). En l’occurrence, il s’agit « seulement » du fioul de propulsion, environ 2 300 tonnes, une quantité suffisante pour provoquer des nappes de carburant et la dispersion de milliers de boulettes. Les pouvoirs publics se veulent rassurants. Depuis les grandes marées noires, la France sait mieux gérer ces accidents, avec des bateaux spécialement équipés. La mer elle-même a la capacité de jouer la grande lessiveuse en fractionnant les résidus. Mais au bout du bout, il y aura préjudice
L’opinion publique vit de plus en plus mal ces catastrophes. Pour elle, il n’y a pas de petites ou de grandes marées noiresjhm. Il y a surtout ces balafres hideuses sur nos rivages. Elles lui rappellent que chaque jour des dizaines de milliers de tonnes de produits à hauts risques parcourent les océans. Dans le cas du Grande America, par exemple, on apprend qu’il transportait, outre son propre carburant, « 45 conteneurs répertoriés comme contenant des produits dangereux ». Mais rien n’est dit sur leurs caractéristiques et leur degré de dangerosité, notamment pour la faune sous-marine.
Simple hasard du calendrier, ce nouvel accident environnemental intervient au moment même où quatre associations viennent de déposer plainte contre l’Etat pour « inaction climatique » A l’appui de leur démarche, une pétition qui a rassemblé plus de deux millions de signatures. Si l’écologie politique n’a pas en France le poids qu’elle a en Allemagne, l’exigence d’une plus grande protection de l’environnement, elle, continue d’infuser lentement dans la population.