Corruption de mineures
Le dossier témoigne de conduites favorisées par les nouveaux outils de communication accessibles aux mineurs. Monsieur avait 18 ans, les victimes avaient une dizaine d’années, les échanges étaient « crus ».
Au XXe siècle, inspirés par la dimension érotique de Madame Bovary, Nana ou Germinie Lacerteux, roman signé de Jules et Edmond de Goncourt, femmes et hommes découvraient l’amour, physique, au corps à corps, souvent au bordel, pour ces messieurs, en secret, le poids de la morale religieuse, la vague libertaire a accentué une libération sexuelle là encore basée sur la pratique, le nouveau siècle venu, l’éducation sexuelle, encore limitée en milieu scolaire, se nourrit d’une approche virtuelle, dénaturée, basée sur les stéréotypes imposés par l’industrie de la pornographie. « Cette procédure nous amène à ouvrir les yeux. (…) La curiosité des mineurs pour la sexualité n’est pas nouvelle, elle prend une nouvelle dimension avec les outils numériques », nota avec à-propos Me Blanchard.
Onze et 18 ans
Alors, cette procédure ? Une première plainte est déposée le 12 décembre 2018 par les parents d’une enfant. Née en 2006, cette mineure aura rapidement eu le réflexe de bloquer Alexandre R sur une messagerie en ligne et de se confier à ses proches. Une seconde plainte, relative à des faits observés depuis octobre 2016, est déposée le 1er février 2020 par les parents d’une enfant née en 2005. Alexandre R est mis en cause. Les captations de conversations via Messenger sont accablantes. Agé de 18 ans, le mis en cause propose de l’argent à sa jeune interlocutrice « en cas de bonnes notes » avant de solliciter l’envoi de photographies. L’enfant posera seins nus. En retour, la mineure recevra une photographie d’un sexe masculin, par timidité, peut-être, par complexe, sans doute, Alexandre R aura veillé à adresser le cliché d’un sexe qui n’est pas le sien. Il est également régulièrement question au cours des échanges de pornographie, des scènes visionnées par majeur et mineure.
« Elle m’aimait… »
Présent, cette semaine, à la barre du tribunal correctionnel afin de répondre de l’accusation de corruption de mineures, le prévenu aura livré ses explications. « Elle voulait avoir une relation sexuelle. (…) Elle faisait le vice ! » La victime était âgée de onze ans en 2016, Alexandre R venait d’avoir 18 ans.
Des menaces de viol ont également été adressées. « Un soir, en discutant, elle m’a dit qu’elle m’aimait et qu’elle voulait faire des choses avec moi. (…) Son fantasme, c’était un viol, je lui ai dit de regarder des vidéos pour qu’elle comprenne ce que ça aurait pu lui faire ». Au final, pour le prévenu, « tout ça, c’était un jeu ». Un simple jeu ? « Le prévenu a offert un téléphone portable à une mineure en échange de faveurs sexuelles », rappela madame le procureur Bras-Abbari. Nul élément n’aura entraîné la moindre poursuite relative à un passage à l’acte.
Injonction de soins
Accusation et défense s’attardèrent sur la personnalité du prévenu (lire ci-dessous), un homme reconnaissant ses torts. « Oui, maintenant, je comprends ». Décision ? Déclaré coupable de corruption de mineures du 3 octobre 2016 au 1er février 2020, Alexandre R, jusqu’alors inconnu de la justice, a été condamné, à titre de peine principale, à respecter un suivi socio-judiciaire d’une durée de trois ans. L’absence de respect de strictes obligations de soins entraînerait la mise à exécution d’une peine de douze mois de prison ferme. Visé par une interdiction d’entrer en contact avec les victimes et une interdiction d’exercer une activité en contact avec des mineurs d’une durée de dix ans, le condamné est, en outre, visé par une inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv).
T. Bo.
« La sphère du virtuel, cette bulle »
Alors, Alexandre R, une bombe à retardement, un pédophile en puissance ? Un psychiatre a relevé immaturité affective, absence de relation affective ou sexuelle et incapacité à gérer les interactions sociales tout en pointant une « préférence sexuelle pour les mineurs hautement probable ». Inquiétant.
Représentant le prévenu, Me Blanchard pointa l’immaturité de son client et une forme, inquiétante, de précocité des victimes. « Comme en témoigne ce dossier, nous serions horrifiés de découvrir les conversations d’enfants ou d’adolescents. (…) Le plus jeune et le plus naïf, ce n’est pas forcément lui. (…) Aussi jeune soit-elle, une des victimes a assuré à monsieur qu’elle avait déjà eu une relation sexuelle, cette mineure a détaillé certaines choses de façon très précise ».
Alexandre R est fragile. Et pour cause… « Monsieur a subi des attouchements sexuels pendant quatre ans au collège, il a grandi et construit sa personnalité en pensant qu’on avait des droits sur son corps », aura révélé l’avocate de la défense au nom d’un prévenu miné par une « timidité maladive de l’ordre de la phobie sociale ».
Diplômé, inséré professionnellement, Alexandre R n’a aucun loisir. « La sphère du virtuel, cette bulle, était sa simple façon d’exister, d’avoir un semblant de vie sociale. (…) Ce jeune majeur, immature, a cru vivre un semblant de relation amoureuse avec ces gamines qui, il faut le dire, ont un peu profité de l’occasion, monsieur n’a pas été aguiché par des Lolita, il s’est simplement pris au jeu au fil d’échanges très crus ». Et puis, quitte à bousculer les préjugés et les tabous … « Oui, le viol peut être source de fantasme pour des hommes comme des femmes, ce qui pose problème, c’est le passage à l’acte, pas le fantasme ! » Dernier point témoignant, là encore, d’un certain contexte, de comportements particuliers. « Monsieur a été victime d’une expédition punitive menée par huit amis d’une des victimes, il a été passé à tabac ».