Conducteurs poids-lourd, dans les virages de l’évolution
DANS LA VOITURE DE… Fin décembre, jhm quotidien a fait un léger pas de côté en embarquant, non pas dans une voiture, mais dans un camion école. Plusieurs heures, en compagnie de formateurs et d’élèves, à faire le tour de la cité bragarde, mais aussi d’une profession en mutation.
« On est partis. Vous prenez votre livret de conduite », lance-t-il à ses stagiaires, Floreal et Gwenaëlle, aux alentours de 13 h 30. Depuis maintenant 15 ans et après avoir parcouru pendant 17 ans les routes européennes, Laurent est formateur à l’Afpa. Plusieurs fois par an, à l’instar de Yann et Fred, co-encadrant la séance, ce jeudi-là, il enseigne à une poignée de volontaires les rudiments du métier de chauffeurs poids lourds au travers de deux titres professionnels : celui de conducteur transport routier marchandises sur porteur (CTRMP) et celui de conducteur routier sur tous véhicules.
Apprendre à faire attention à ceux qu’on ne voit pas
Les huit stagiaires venus pour cette séance constituent la dernière promotion du CTRMP. Une formation sur trois mois qui a débuté en octobre dernier et qui se compose d’une partie théorique et de deux parties pratiques (celle anticipée durant laquelle le stagiaire passe le permis de conduire et celle dédiée à l’aspect professionnel). Floreal et Gwenaëlle, respectivement âgés de 21 et 28 ans, ont eu avec succès leur permis en novembre, mais doivent désormais atteindre les 25 h de conduite règlementaires avant d’apprendre les ficelles plus précises du métier.
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Elle est plus boîte automatique, lui davantage boîte manuelle, mais ce jeudi, c’est finalement le Renault T, 460 chevaux et sa boîte automatique qu’ils devront manipuler. Avant, quelques vérifications s’imposent. « Généralement, on fait un tour global pour voir si les feux fonctionnent, si les portes de derrière sont bien fermées… », détaille Floreal. Il est le premier à s’installer sur le siège conducteur. Tout comme Gwenaëlle, au début, l’imposant gabarit de leur véhicule leur donnait quelques sueurs froides, mais maintenant, avec ses 20 h 39 de conduite au compteur et le permis obtenu, il est à l’aise. À côté de lui, Laurent, maître des doubles pédales, est lui aussi dorénavant en toute confiance. « Maintenant qu’ils ont le permis, on peut les considérer comme des conducteurs. On essaye d’aller dans des endroits plus techniques », détaille le formateur, avant de s’adresser à Floreal.
Malgré son assurance, le vingtenaire a encore quelques appréhensions vis-à-vis des voitures, peu visibles depuis sa cabine. Une crainte qui se confirme, arrivé dans la zone de référence. « Même si je l’ai repérée avant, là, on ne la voyait pas. »
Féminisation et progrès technologiques
Trois quarts d’heure se sont écoulés et il est temps de passer la main à Gwenaëlle. Petit arrêt au stade Charles-Jacquin avant de repartir sur la route. S’il y a encore quelques années de ça, elles étaient quasiment absentes des effectifs, aujourd’hui, les femmes sont davantage présentes. Pas assez visiblement puisqu’elles sont encore mal perçues par leurs collaborateurs. « Quand nous en avons discuté, je lui ai dit de faire attention dans les endroits dans lesquels elle ira », confie Laurent.
D’ailleurs, si petite soit-elle, ce n’est pas la seule évolution. À l’image du Renault T dans lequel nous nous trouvons, « bardé de caméras ». « Il y a plus de technologie. L’employeur peut savoir à l’instant T où est son chauffeur. Autre changement, on fait aussi moins du national, mais plus de navettes, rallier deux villes en une même journée », observaient Laurent et ses collègues formateurs, en amont de la séance.
16 h. Retour au siège du centre de formation pour notre trio. Une fois la session terminée, fin janvier, les deux stagiaires, passeront un examen puis un stage de trois semaines. Leur titre en poche, tous deux comptent s’attaquer au titre professionnel conducteur routier sur tous véhicules. Laurent, lui, formera une nouvelle salve de stagiaires.
Dominique Lemoine
Les clichés ont la peau dure…
Comme pour chaque secteur, ce ne sont pas les clichés sur les routiers qui manquent. Et même si, avec le temps, leur image s’est améliorée, selon Laurent, formateur depuis 15 ans et chauffeur poids-lourd pendant 17 ans, pour Yann, son homologue à l’expérience similaire, elle reste tout de même ternie. « Il est possible d’entendre que les routiers sont des porcs, des débauchés, des incultes », déplore-t-il. « Or, ce n’est plus le cas. Maintenant, avec le coût du transport, l’image est plus importante. Il a fallu monter en compétence et montrer une certaine qualité de service. » Et Laurent d’ajouter : « Il y a une plus grande exigence par rapport au marché. Il faut que le conducteur respecte la RSE (réglementation sociale européenne, Ndlr), qu’il soit précis sur les horaires… »