“Compétence eau” : un transfert pas si tranquille
Lors du conseil communautaire du Grand Langres du 11 avril, une vingtaine de conseillers communautaires ont proposé une motion contre le transfert de la compétence eau et assainissement. jhm quotidien, est allé à la rencontre des maires pour comprendre les enjeux.
« Ce n’est aucunement contre le Grand Langres, ni contre le bureau d’études et nous n’avons reçu aucune pression extérieure », assure et rappelle Alain Lambert, maire d’Avrecourt. Lors du conseil communautaire du 11 avril, il a été le porte-parole des vingt délégués communautaires qui ont proposé une motion s’opposant au transfert de la compétence eau et assainissement.
Pour l’instant, cette compétence est aux communes. Mais, la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a rendu obligatoire le transfert de cette compétence aux communautés de communes. Initialement prévu au plus tard pour le 1er janvier 2020, il a été reporté au 1er janvier 2026 au plus tard, sous certaines conditions. À mesure que l’échéance approche, la colère des maires à l’égard du gouvernement monte de plus en plus, notamment en milieu rural. La liste des conseils municipaux votant des motions à l’encontre du transfert s’agrandit au fil des semaines. Et ce, aussi bien dans le Grand Langres, que dans les collectivités de communes avoisinantes, et même au-delà.
La crainte d’un service dégradé
Les élus qui s’opposent au transfert redoutent notamment une qualité de service dégradée. « Est-ce que la prestation sera aussi bonne ? Au sein du Grand Langres, il y a 54 communes. S’il y a cinq fuites en même temps, comment on fait ? », s’interroge Alain Lambert. Dans la plupart des petites communes comme la sienne, ce sont des personnes bénévoles qui gèrent le réseau d’eau, et qui sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, même pendant les jours fériés. Si la compétence eau est transférée au Grand Langres, les maires craignent donc une réactivité amoindrie.
« On connaît notre réseau. On connaît les habitudes de chaque maison. On relève les compteurs tous les deux jours. On voit tout de suite s’il y a une perdition anormale. En cas de problème, les gens téléphoneront aux maires, pas à l’intercommunalité », explique Patrick Gallissot, maire de Lavernoy.
« On va être là pour quoi ? Pour allumer la mairie ? »
Une des autres préoccupations des maires des petites communes est la perte de pouvoir. Si la compétence eau et assainissement venait bel et bien à être transférée au Grand Langres, ils seraient alors dépossédés de leur compétence la plus importante. « On va être là pour quoi ? Pour allumer la mairie ? », se demande Serge Fontaine, maire de Peigney. « On nous dépossède de tout ! Nos grands-parents se sont battus pour que nos villages vivent ! », s’indigne Alain Lambert.
Quid de l’aspect financier ?
L’assainissement de l’eau représente, certes, une grosse enveloppe pour les communes. Mais sa gestion permet de générer, en contrepartie, de belles recettes. « L’eau est dans notre budget principal. Donc s’il reste de l’argent, on peut s’en servir pour acheter d’autres choses. Si on nous enlève de l’argent, financièrement cela peut être compliqué », confie le maire d’Avrecourt. Un sentiment partagé par celui de Peigney : « On ne pourra plus alimenter notre budget principal. On vient d’investir deux millions d’euros pour le réseau. Il va falloir payer pour les communes qui n’ont rien fait. Cela va demander plus de personnel à la communauté de communes. Ils vont nous faire payer plus cher », regrette-t-il.
Quelles suites pour le transfert ?
Lors du conseil communautaire du 11 avril, Jacky Maugras, président du Grand Langres, a demandé à chaque maire de se prononcer sur la motion en conseil municipal, avant d’en reparler lors du prochain conseil, le 11 juillet. Certains n’ont pas attendu cette invitation pour le faire et ont déjà envoyé leur délibération votée à l’unanimité aux parlementaires et au gouvernement. Alain Lambert a lui invité le Premier ministre à venir à Avrecourt pour voir la réalité du terrain : « on ne pourra pas nous reprocher de ne pas défendre nos administrés et notre ruralité. »
D’autres, comme Thierry Rousselle, maire de Marac, expliquent attendre les résultats de l’étude demandée par le Grand Langres afin de se prononcer sur la question. L’étude permettra alors de faire un état des lieux sur la situation et une comparaison des services et ainsi proposer des scénarios pour pouvoir réaliser le transfert dans les meilleures conditions possible.