Colère virale – L’édito de Patrice Chabanet
LE JOURNAL DE LA HAUTE-MARNE
COLÈRE VIRALE
Le docteur Li Wenliang avait lancé l’alerte. Il vient de mourir en martyr du coronavirus. Son histoire est tout un symbole. Dans un premier temps il a été interpellé pour avoir répandu de fausses rumeurs. Aujourd’hui il est salué par les autorités chinoises pour son courage. Une volte-face qui ne doit rien à la contrition mais à la prise de conscience de la colère qui monte dans la population. Dans un système verrouillé par un Parti communiste intraitable il faut être intrépide pour exprimer son désaccord dans la rue et sur les réseaux sociaux. Or la mort du jeune médecin est en train de libérer la parole. L’épidémie, paradoxalement, constitue une protection pour la vox populi : en la réprimant les autorités chinoises ne pourraient que renforcer le ressentiment de la population.
On ne peut pas affirmer encore s’il y aura un avant coronavirus et un après. Mais ce dont on est à peu près sûr c’est que le pouvoir est en train de prendre une réalité en pleine figure : la croissance économique et le culte de la consommation à l’occidentale ne suffisent pas à faire le bonheur du peuple. Le manque d’oxygène démocratique se paie un jour. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une colère sociale déclenchée par une crise économique, mais d’une colère citoyenne alimentée par l’apparition d’un virus.
Si la poursuite l’épidémie devait entraîner un blocage progressif de l’économie c’est l’atout majeur du système qui tomberait. Une perspective plausible : l’absentéisme à cause de la maladie et la rupture des flux d’approvisionnement se font déjà sentir. A l’heure de la mondialisation les dégâts pourraient être planétaires. En attendant le retour à la normale, le Parti communiste retournera la colère populaire contre un bouc émissaire : les cadres locaux qui ont caché l’ampleur de l’épidémie. Mais cette fois-ci, il sera difficile de convaincre.
Patrice CHABANET