Histoire de Clairvaux : son abbaye et sa maison centrale (1/3)
En mai 2023, les derniers détenus incarcérés à la maison centrale de Clairvaux ont été transférés, marquant ainsi sa fermeture définitive. Une nouvelle page se tourne donc pour Clairvaux avec l’ouverture d’un appel à projet de reconversion globale des lieux engagé par l’État, afin d’assurer la conservation de ce monument historique, site emblématique de pénitentiaire.
La centrale de Clairvaux est désormais fermée. Remontons le temps. Fondée par Bernard de Clairvaux et des moines venus de Cîteaux en 1115, l’abbaye demeure un des hauts lieux de l’ordre cistercien jusqu’à ce qu’elle devienne bien national en novembre 1789. Racheté par l’État en 1808, le bâtiment est pressenti pour accueillir soit une maison centrale de correction pour les condamnés par les tribunaux criminels, soit un hôpital général pour les mendiants valides et invalides. C’est la seconde option qui prévaut : Clairvaux accueille tout d’abord un dépôt de mendicité. Mais cette parenthèse se referme rapidement en 1816.
Le 16 juin 1808, l’empereur Napoléon ordonne la création d’une maison centrale de détention par arrondissement pour les condamnés par les tribunaux criminels de ces départements. Celle de Clairvaux va essentiellement permettre de désengorger des prisons départementales : deux quartiers séparés doivent accueillir pour l’un 600 condamnés par des cours d’assises et pour l’autre 400 condamnés à plus d’un an d’emprisonnement par des tribunaux correctionnels. Des travaux d’aménagement sont entrepris et en décembre 1813 le bâtiment correctionnel est enfin livré. Cependant, l’église abbatiale et son majestueux portail sont intégralement détruits au passage. En ce qui concerne les criminels, il faut attendre le mois de février 1817 pour qu’un quartier de « grande détention » soit enfin ouvert.
Premier drame à la centrale
Au mois de novembre 1831, le surveillant-chef Delacelle est assassiné dans un atelier de Clairvaux par le détenu Claude Gueux. Condamné à mort et exécuté, Claude Gueux a inspiré son roman éponyme à Victor Hugo, véritable réquisitoire contre la peine de mort.
Au XIXe siècle, un certain nombre de détenus politiques sont incarcérés à Clairvaux dans un quartier isolé. Leur provenance suit la courbe des événements politiques qui secouent la France tout au long du XIXe siècle : insurrections de 1832 et de 1834 à Paris et à Lyon, de 1848 et de la Commune. Des anarchistes célèbres y sont incarcérés, comme Auguste Blanqui ou Pierre Kropotkine.
Règlement de comptes
A partir de 1945, Clairvaux, à l’instar de la prison de Fresnes, devient un établissement chargé de gérer l’épuration conduite par les cours de justice. Parmi les détenus condamnés pour des faits de collaboration figurent Charles Maurras et Maurice Pujo, des journalistes du journal collaborationniste Je suis partout, Pierre Vitoux, Pierre-Antoine Cousteau et Lucien Rebatet, ainsi que d’autres journalistes comme Camille Fegy, André Dulion de Laumois, Christian de la Mazière, etc. Mais aussi des personnalités politiques ayant servi sous Vichy comme les amiraux Jean-Pierre Esteva et Jean de Laborde, Xavier Vallat, Paul Marion, François Chasseigne et Jacques Benoist-Méchin.
A partir de 1971, l’ancienne maison centrale ferme ses portes au profit d’un nouvel établissement, beaucoup plus moderne. Mais celui-ci va connaître de nombreux drames.
Un lieu chargé de symboles
La maison centrale de Clairvaux est un lieu emblématique de la mémoire pénitentiaire. C’est en effet à Clairvaux que le Garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti annonce le 22 septembre 2020 la signature d’une convention pour soutenir les familles des agents du ministère de la Justice ayant perdu un proche. C’est encore à Clairvaux, le 22 septembre 2022 que Laurent Ridel, directeur de l’administration pénitentiaire, annonce la création de la journée nationale d’hommage aux personnels pénitentiaires mort ou gravement blessés en service.