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Citoyens assesseurs

Menée plusieurs mois en Haute-Marne, l’expérimentation visant à la généralisation de la présence de citoyens assesseurs n’a pas porté ses fruits. Garde des sceaux, Christiane Taubira aura logiquement mis un terme à l’expérience. Coûteuse et synonyme défiance à l’égard de magistrats régulièrement taxés de laxisme et clémence sous la présidence de Nicolas Sarkozy, cette expérimentation aura notamment permis de constater une unicité des peines, la présence de citoyens assesseurs n’entraînant aucun excès de sévérité. L’expérience aura toutefois permis à de nombreux citoyens de découvrir l’univers judiciaire.

Citoyens, jugez-vous !

A compter du 1er janvier 2012, les justiciables haut-marnais seront appelés à rendre Justice suite à la création de Tribunaux correctionnels citoyens.Menée à titre expérimental dans deux juridictions, cette nouveauté pourrait être généralisée à l’ensemble du territoire national à l’horizon 2014.

Décriée par de nombreux magistrats criant au «populisme judiciaire», la création de tribunaux correctionnels citoyens sera effective dans deux juridictions à compter du 1er janvier prochain. Comme l’a dernièrement annoncé François Cornut-Gentille, la Haute-Marne sera au coeur d’une expérimentation censée aboutir à une généralisation à l’horizon 2014.

L’arrêté ministériel officialisant les fonctions de citoyen assesseur devrait être publié au Journal officiel dans les jours à venir. Le cadre de la mise en application des tribunaux citoyens n’en est pas mois d’ores et déjà posé. Le mode de sélection des citoyens assesseurs sera directement lié à celui des jurés appelés à siéger aux Assises. Plusieurs centaines personnes inscrites sur les listes électorales seront ainsi invitées à répondre à différentes questions afférentes à leur situation. Constituée de trois magistrats du siège, du procureur de la République, de cinq conseilliers généraux et d’un avocat, une commission effectuera un tirage au sort susceptible d’être complété, l’impartialité des “heureux élus” pouvant être mise en doute par les membres de l’assemblée collégiale. La sélection d’une victime d’agression sexuelle pourra ainsi être jugée inappropriée par les membres de la commission présidée par Bruno Laplane, président du Tribunal de grande instance.

Au final, quarante assesseurs citoyens seront désignés, chacun étant appelé à siéger à une cadence maximale de dix audiences annuelles. Rémunérées, les personnes sélectionnées devront répondre à leur devoir civique. Les employeurs seront notamment condamnés à laisser à disposition de la Justice des salariés invités à découvrir de nouvelles fonctions.

Impartialité

Deux titulaires et deux suppléants seront désignés pour chaque audience, deux assesseurs citoyens prenant place aux côtés de trois magistrats professionnels. La présence de deux suppléants tend à répondre à d’éventuelles récusations. Les avocats pourront ainsi faire valoir des liens supposés ou avérés entre prévenu, victime et assesseur, ces relations étant susceptibles de nuir à la l’impartialité de citoyens appelés à rendre Justice. Les trois magistrats professionnels présents à l’audience auront la charge de juger de l’éventuel bien-fondé de la demande de récusation.

Matérialisée par quelques heures de temps d’information, la faiblesse du programme de formation des citoyens assesseurs poussera les trois magistrats professionnels à faire preuve de pédagogie. Une présentation didactique des dossiers sera ainsi assurée. Témoignages et autres expertises devront ainsi être lues dans leur intégralité au cours des audiences afin d’apporter une information optimale aux citoyens assesseurs. Seules deux affaires seront ainsi examinées chaque mardi après-midi. Dans un contexte d’engorgement des tribunaux, la nouveauté – censée «rapprocher les citoyens de la Justice» aux dires de nombreux parlementaires – étaie la gronde des magistrats.

Ces derniers sont également nombreux à s’offusquer du recours à des citoyens assesseurs dans le cadre – strict – de délits punis de plusieurs années de prison ferme. Si les citoyens sélectionnés n’auront pas à examiner des affaires de stupéfiants, ils seront amenés à juger de présumés innocents répondant de faits d’homicides involontaires en matière routière, de violences volontaires aggravées ou d’agressions sexuelles. Les citoyens assesseurs seront également appelés à siéger lors des comparutions immédiates, leur champs d’intervention étant également limité à certains délits.

La création de tribunaux correctionnels citoyens fait d’autant plus grincer des dents qu’elle s’accompagne d’une loi réduisant le nombre de jurés populaires siégeant en cour d’Assises. Allez comprendre…

 

Point de vue

Chacun son métier

Le dimanche matin, des millions de réactionnaires vocifèrent contre journalistes avilis, professeurs fainéants, policiers violents, étrangers délinquants et chefs d’entreprises à la solde du grand capital. Parmi les grands fantasmes d’une France abrutie par programmes télévisés décadents et émissions radiophoniques faisant la part laide à la libre antenne figure l’image du magistrat corrompu, ce notable coupable de mille maux. Ce délinquant aux origines pas très catholiques, Dédé l’aurait mis aux travaux forcés, ben oui, la peine de mort a été abolie, alors autant leur faire casser des cailloux à ces détenus logés et nourris aux frais des contribuables. Garants de l’équilibre d’une société gangrenée par communautarisme, obscurantisme et intolérance, les élus du peuple en sont malheureusement venus à embrasser de leurs lèvres charnues le populisme cher à feu Robert-Poujade. Les hommes de Justice seraient trop laxistes, alors autant répondre à la vox populi à des fins purement électoralistes en invitant le citoyen lambda à juger de l’avenir de ses prochains. Véritable signe de défiance à l’encontre des magistrats, la création de tribunaux correctionnels citoyens votée par députés et sénateurs répond à une logique des plus primaires. Dédé sera amené à décider du sort de délinquants sexuels et autres malfrats, Justice sera enfin rendue, forcément, Dédé ne fait pas partie de la caste des magistrats, ces nantis sans qui la France tournerait un peu plus rond. La politique prônée par la majorité présidentielle trouve ses limites en de criantes réalités : au coût – exorbitant – de la rémunération d’assesseurs citoyens s’opposent une inquiétante pénurie de magistrats ou greffiers et d’insuffisantes capacités d’accueil des établissements pénitentiaires entraînant la non application de nombreuses peines de prison ferme. Autant d’écueils imputables à des élus trop heureux de pouvoir camoufler leur propre (in)suffisance derrière les supposées incompétences de magistrats indépendants. En opposant les simples justiciables aux magistrats, les élus du peuple ont omis un principe fondamental : Justice peut être injuste, parce Justice est humaine. Dédé en est également certain : le pays se porterait mieux s’il était président et l’équipe de France irait de l’avant s’il en assurait la composition. Chacun son métier, les vaches seront bien gardées.

 

Prêts à juger

Tirés au sort et sélectionnés, quarante citoyens assesseurs ont découvert les bases de leurs futures attributions, vendredi, à l’occasion d’une riche journée de formation. Hommes et femmes seront appelés à rendre justice à partir du 1er janvier.

Coûteuse et populiste mesure de défiance à l’égard des magistrats professionnels pour les uns et cruciale concrétisation de l’implication des citoyens dans le système système judiciaire pour les autres… Tout a été dit et écrit sur la création du statut de citoyen assesseur. A compter du 1er janvier, les trois magistrats professionnels siégeant lors de certaines audiences de tribunal correctionnel seront associés à deux citoyens appelés à rendre justice. Menée à titre expérimentale dans quelques juridictions, cette formule sera officiellement mise en œuvre en Haute-Marne, le recours à ce type de composition collégiale étant réservé à certains délits. Si le citoyens assesseurs n’auront pas à juger d’affaires de stupéfiants, ils seront notamment ammenés à traiter des atteintes violentes aux personnes punies de 5 à 10 ans d’emprisonnement. Vols avec violence, homicides involontaires et autres agressions sexuelles seront ainsi du ressort des formations intégrant des citoyens-assesseurs.

Agés de plus de 23 ans, inconnus de la Justice – pour des crimes ou délits – et appelés à siéger dix journées par an, quarante Haut-Marnais tirés au sort et sélectionnés à partir des listes ont été désignés. Toutes et tous ont profité d’une riche journée de formation organisée vendredi au Palais de justice de Chaumont.

Grands principes et subtilités

Accueillis par Bruno Laplane, président du tribunal de grande instance, hommes et femmes ont profité des précieux conseils des juges Thil et Fay. Des supports audiovisuels ont également permis à chacun de découvrir les différentes phases d’un procès pénal. Particulièrement pédagogues, les magistrats ont détaillé grands principes et subtilités. Le procureur Prélot et Maître Bourron ont conclu la matinée en insistant sur la notion de présomption d’innocence et en détaillant les rôles respectifs d’avocat et de représentant du Ministère public. Au cours d’un temps riche en enseignements, de nombreux citoyens assesseurs auront ainsi appris que les peines inférieures à deux ans d’emprisonnement avaient vocation à faire l’objet d’un aménagement pour l’ensemble des primo-délinquants.

Manifestement surpris par des diverses informations, les futurs citoyens assesseurs ont fait état de leur méconnaissance du système judiciaire. «En quoi consiste un Travail d’intérêt général ?», s’interrogeait un quadragénaire. «Aurons-nous connaissance des dossiers avant l’audience ?», «Sommes-nous tous amenés à siéger ?», «Que faire si nous connaissons un des prévenus ?», ont poursuivi des stagiaires particulièrement intéressés par la dense teneur des débats.

«La justice est humaine, vous ferez avec vos qualités et vos défauts dans le respect de la neutralité et de l’impartialité. Nous ne sommes pas tous égaux, vous vous en rendrez compte, notamment dans le cadre des affaires d’agression sexuelle», ont lancé, de concert, les différents intervenants.

A la sortie du tribunal, les futurs citoyens assesseurs ont été invités à découvrir la rudesse des conditions de détention à l’occasion d’une visite de la maison d’arrêt de Chaumont.

 

Relaxe citoyenne

Les citoyens assesseurs ont signé une entrée remarquée, lundi après-midi. Magistrats professionnels et simples justiciables ont, de concert, prononcé la relaxe d’un prévenu répondant de violences aggravées sur conjoint.

Chaumont, lundi 9 janvier 2012, 14 h 15, palais de justice : une nouvelle page s’écrit dans l’histoire de la juridiction. Quatre citoyens s’avancent à la barre. Vice-président du Tribunal de grande instance, le juge Mathieu invite femmes et hommes à prêter serment. Ignorer haine et méchanceté, faire preuve de probité… «Levez la main droite et dites je le jure» : les citoyens assesseurs s’exécutent. Deux suppléants peuvent vaquer à leurs occupations. Appelés à rendre justice, deux femmes prennent place aux côtés de trois magistrats professionnels. L’audience peut débuter, il est temps de scruter la vie des autres, ces simples mortels, ces âmes grises dont tant viendraient à ignorer l’existence, retranchés dans le train-train de grands bonheurs et petits tracas du quotidien.

Joël L. porte les stigmates de quarante ans d’alcoolisme. Rachitique, le visage miné, ce Chaumontais a commencé à boire à l’âge de 13 ans, en compagnie de son père. A des faits présumés de violence s’ajoutent deux circonstances aggravantes : présumé innocent, Maurice Le Quesnoy aurait, en état d’ivresse, porté des coups à sa conjointe. Le rappel des faits renvoie à une profonde misère sociale. Le 11 novembre au soir, le couple absorbe cinq litres de rosé. Au petit matin, les amants maudits partent se ravitailler dans un supermarché. Se déplaçant à l’aide d’une canne, la compagne de Maurice Le Quesnoy chute. Découverte à même le sol par policiers et sapeurs-pompiers, la femme a le visage tuméfié. Après avoir déclaré avoir été victime de plusieurs chutes, l’alcoolo-dépendante confiera avoir été frappée. Les maltraitances se seraient répétées durant de longues années. Maurice Le Quesnoy a ainsi été condamné courant 2011 pour des violences imposées à sa conjointe.

«Vous la forciez à parler de chutes»

D’une voix frêle, le prévenu faisait entendre sa vérité. «Nous étions alcoolisés, je ne me souviens pas avoir frappé. Elle est handicapée, comme moi, elle me frappait souvent avec sa canne lorsque nous nous disputions. Elle m’en veut, elle veut ma charger, elle veut également revenir, mais je ne le souhaite pas», témoignait le prévenu. Le président Mathieu faisait état de cruelles informations. «Entre novembre 2008 et novembre 2011, votre conjointe s’est présentée à treize reprises aux Urgences. Des certificats médicaux indiquent des tuméfactions, des contusions… Un médecin légiste a relevé des lésions anciennes et récentes et ces traces sont compatibles avec des coups ! Lors d’une confrontation, vous avez reconnu frapper régulièrement votre conjointe. Vous la forciez à parler de chutes», indiquait le magistrat.

Volontiers pédagogue, le procureur Prélot se lançait dans un dense et détaillé monologue avant de requérir une peine de douze mois de prison intégralement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, sanction complétée d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Assurant la défense du prévenu, Me Gromek livrait une information déterminante : la compagne de Maurice Le Quesnoy a été admise aux Urgences la veille de la survenance des coups présumés. Un traumatisme frontal et une plaie frontale avaient été diagnostiquées. L’avocate faisait également prévaloir un principe fondamental : en matière pénale, le doute doit profiter à l’accusé. Le tribunal se doit également de démontrer tout élément intentionnel. «Madame est-elle tombée, s’est-elle prise le bec avec une connaissance de beuverie ? Je n’en sais rien et vous non plus», lançait Me Gromek avant de solliciter la relaxe de son client.

Une heure s’était écoulée, juges professionnels et citoyens assesseurs pouvaient se retirer. Une demi-heure plus tard, le juge Matthieu prononçait la relaxe de Maurice Le Quesnoy. Le doute avait bel et bien profité au prévenu. Les citoyens assesseurs pouvaient retrouver leurs occupations habituelles, habités du noble sentiment d’avoir apporté leur pierre à l’édifice d’une justice citoyenne.

 

«Des mots simples»

Sans trahir le secret de leurs échanges avec les magistrats professionnels, Delphine et Christel, citoyens assesseurs, ont rempli avec rigueur et attention leurs nouvelles fonctions. «Les citoyens assesseurs peuvent siéger pour des affaires d’agression sexuelle sur mineur et nous nous attendions à une affaire plus sordide, a souligné Delphine, au terme de l’audience. Le parcours et le profil du prévenu ont été détaillés et nous avons pu prendre connaissance d’éléments figurant dans le dossier. (…) Au départ, je me suis dit “Pourquoi moi ?” J’ai mal dormi pendant une semaine, j’étais très stressée, mais tout c’est très bien passé, il y a eu une véritable concertation et le côté humain a été très présent. Nous avions appris que le doute devait profiter au prévenu lors de la journée de formation organisée au mois de décembre et j’ai donc compris la plaidoirie de l’avocate du prévenu !»

Christel affichait également un certain soulagement. «Les magistrats ont utilisé des mots simples, ils ont fait en sorte de se faire comprendre, a souligné l’intéressée. Quand j’ai reçu le courrier m’indiquant que j’étais retenue, j’ai tout d’abord vu une contrainte, une contrainte sanctionnée par 3 750 euros d’amende an cas d’absence ! Mon sentiment a changé, j’ai rempli mes responsabilités, de grosses responsabilités… Nous avons pu analyser la situation en toute sérénité.» Appelées à siéger à dix reprises dans l’année – volume maximal -, Delphine et Christel retrouveront le palais de justice le 13 mars en tant que suppléantes.

 

L’agréable surprise de Me Gromek

Me Gromek (avocate du prévenu) : «Compte-tenu de la présence de citoyens assesseurs, j’ai tenu à plaider les grands principes et le doute a profité au prévenu ! J’ai également indiqué que mon client devait être jugé pour les faits commis durant une période précise et non pour des faits antérieurs. Prêter serment et découvrir sur-le-champ la vie d’une personne en l’espace de vingt minutes, la vie d’une personne encourant cinq ans de prison, n’est pas facile… J’ai veillé à rappeler les règles de la procédure pénale, des règles différentes de celles évoquées dans les séries américaines diffusées à la télévision. Le délibéré n’a pas été très long, à ma grande surprise ! Les citoyens assesseurs ont pris leur rôle à coeur. Ce dossier n’était pas facile, ils ont réfléchi et analysé la situation, sans a priori. Je suis agréablement surprise et satisfaite de la relaxe de mon client.»

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