Cinéma : « Aller chercher les spectateurs un à un »
Culture. Au cinéma « A l’Affiche », le nombre d’entrées est en baisse de 30 % par rapport à une année normale comme 2019. En cause : l’absence de grosses productions américaines et la qualité médiocre des films français. La vraie inquiétude de l’exploitant est du côté du coût de l’énergie.
Selon les estimations de la direction des études, des statistiques et de la prospective, la fréquentation cinématographique a atteint, en France, 7,38 millions d’entrées en septembre, soit un niveau en deçà de celui enregistré en 2021 et avant-crise (-20,7 % par rapport à septembre 2021, -34,3 % par rapport à septembre 2019, -33,6 % par rapport à la moyenne 2017-2019).
Il s’agit du plus bas niveau enregistré pour un mois de septembre depuis 1980 après 2020 (5,62 millions). Depuis le début de l’année, les salles totalisent 104,97 millions d’entrées, soit 30,3 % de moins que sur la même période de 2019 (- 29,1 % par rapport à la moyenne 2017-2019).
Selon Thierry Tabaraud, le complexe cinématographique « A L’Affiche » dont il est l’exploitant enregistre exactement la même tendance sachant que le cinéma chaumontais avait totalisé 194 000 entrées en 2019, avant la Covid et 94 000 l’an dernier, pendant la Covid.
– 30 % au cinéma de Chaumont
Il faut donc retirer 30 % au 194 000 entrées pour avoir le chiffre actuel. De nature optimiste, Thierry Tabaraud ne juge pas ce chiffre catastrophique. Il dit avoir toujours pensé que l’année après la crise sanitaire serait compliquée. Il parie sur – 20 % à la fin de l’année grâce à la sortie de « Avatar ». Il estime même pouvoir réduire la perte à – 15 %.
Pour trouver les explications à cette baisse, l’exploitant regarde principalement du côté de l’offre américaine qui est poussive mais aussi du côté de l’offre française qui est trop abondante. La première s’explique par l’arrêt des tournages durant la Covid et, de fait, la manque de grosses productions cette année sur les écrans. La seconde s’explique par les raisons inverses. Thierry Tabaraud parle même de « beaucoup trop de films français qui, en plus, ne répondent pas aux attentes des spectateurs ».
Pour illustrer son propos, il signale le succès inespéré de « Top Gun » qui prouve l’attente du public en films américains et la sortie très attendue mais unique de « Avatar » en cette fin d’année. « Nous avons un tiers d’offre américaine en moins. Il est normal d’avoir un tiers d’entrée en moins ». Toujours optimiste, Thierry Tabaraud parie sur une meilleure année 2023 grâce à des films français comme le dernier Dany Boon, « Astérix » de Guillaume Canet et « les Trois Mousquetaires ».
Se réinventer
Malgré tout, il ne se cache les difficultés à venir : « notre boulot est d’aller chercher les spectateurs un à un. Il faut que nous réinventions les choses avec, par exemple, le système d’abonnements ». Il parie aussi sur une inversion de tendance. « Après la volonté des familles de cocooner, elles satureront des plateformes et de la télévision ». D’ailleurs, il note que cette tendance au cocooning touche l’ensemble de la culture, dans les musées, en concert, dans les spectacles.
Pour Thierry Tabaraud, les spectateurs ne se détourneront pas durablement des salles obscures. Quant au prix des tickets d’entrée, il s’agit d’un faux débat. Son augmentation est en-deçà de l’inflation avec, à Chaumont, un prix moyen de 6,20 €. Il souhaite effectuer un travail de fidélisation et a bien conscience que « cette sensation d’augmentation vient du fait des salles technologiques, en 3D ou autres. Nous amenons autre chose et le coût est un peu plus élevé ».
Frédéric Thévenin
Le coût de l’énergie en véritable problème
Si le nombre d’entrées ne l’inquiète pas plus que ça, Thierry Tabaraud est beaucoup plus circonspect face à la hausse du coût de l’énergie. Sur ses autres salles, dans d’autres villes, ses contrats se terminaient au 1er août dernier soit « la plus mauvaise période de renouvellement et sans aucun pouvoir de négociation ». Les prix ont été multipliés par trois et, pour Chaumont, cela représenterait un surcoût de 300 000 € sur 3 ans.
Mais, à Chaumont, l’homme bénéficié d’un répit de cinq mois. Etant donné qu’il va se coller au contrat privé/public de la Ville de Chaumont qui va se renégocier, il a encore les anciens tarifs jusqu’au 1er janvier. Durant ce laps de temps, il espère intégrer un bouclier énergétique ou accéder à des aides gouvernementales mais, pour l’instant, il le dit : « c’est le flou artistique ». Il se pose d’ailleurs la question de savoir si, en cas d’aides, il pourra revenir sur les contrats signés.
Au cinéma « A l’Affiche », 65 % de l’énergie consommée l’est pour la climatisation en été et le chauffage en hiver. Entre les deux périodes, la répartition est très égale. Cet été, la climatisation était réglée à 26 ° et, cet hiver, comme pour tous les lieux publics, la température sera de 19 °.
Thierry Tabaraud explique qu’il n’a pas attendu la crise énergétique pour faire des économies mais, « ces mesures ne suffiront pas. Elles ne représentent que 20 % de la hausse des prix ». Alors, il envisage d’autres solutions comme l’achat de projecteurs laser qui sont plus économes mais qui sont, pour l’instant, trop onéreux. Il imagine aussi la baisse du nombre de séances, de l’amplitude horaire et de volumes de films proposés.
Thierry Tabaraud se permet un commentaire : « c’est fou. Nous avons passé la Covid avec des soutiens et nous risquons de ne pas passer la crise de l’énergie ».