Ciblage – L’édito de Christophe Bonnefoy
Les annonces d’Edouard Philippe sur la réforme des retraites ne clôturent pas les débats. Au contraire. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le Premier ministre, refusant en apparence de figer un contenu qui nécessitera d’être encore discuté avec les partenaires sociaux. En outre, on connaît – enfin ! – les ingrédients du plat proposé. Une bonne base de travail.
Discussions à venir ? Bataille de chiffonniers plutôt. Le plan dévoilé hier ne dévie pas de la ligne première, contestée par ailleurs : objectif, système universel.
En ce sens, Edouard Philippe n’a peut-être qu’à moitié réussi son pari. Il a voulu offrir quelques garanties à un peu tout le monde pour désamorcer la grogne. Exclus – ou exonérés – du nouveau dispositif, les salariés nés avant 1975. Promesse d’une revalorisation des enseignants. Minimum garanti d’une retraite à 1 000 euros pour une carrière complète… Autant de perches tendues, avec l’espoir de ne pas voir s’installer les manifestations dans la durée.
Reste que si les catégories concernées temporiseront peut-être, les syndicats, eux, ont vu rouge de suite. Ils réclamaient le retrait pur et simple du projet. Raté. Qui plus est, l’annonce d’un “âge d’équilibre” à 64 ans les a mis encore un peu plus hors d’eux. Tout comme la confirmation, pourtant sans surprise, de la fin des 42 régimes spéciaux.
En segmentant ses annonces et en ciblant ses publics, le Premier ministre a donc voulu atténuer la colère d’une majorité de Français. Mais en restant droit dans ses bottes sur les principes de base de la future réforme, il risque pourtant de raviver l’exaspération d’une autre frange de la population : précisément celle qui bloque les trains, les métros… La plus visible lorsqu’elle se lance ou s’ancre dans la grève, en fait. Et la plus à même de bloquer une économie.