Chemise exquise
Tunique ou gandoura, chemisette ou djellaba, la chemise habille le monde entier.
Qui a porté la chemise jusqu’à nous ? Est-ce le gaélique Caimis, qui désignait déjà un vêtement long venu du Nord ? Ou le qamis (kamis) des musulmans, que nos croisés auraient trouvé confortable ? Le latin aussi connaissait la camisia. Pour cette fois, seuls les Grecs n’ont pas endossé la chemise. Un vieux dicton français prétend : “Mieux vaut avoir un renard au poulailler qu’un homme en chemise en février”. De jour comme de nuit, on ne l’a jamais lâchée. On a découvert une chemise dans une tombe égyptienne datant de 2000 ans avant JC. Elle était unique, cela va de soi. Depuis 40 siècles, on la contemple, elle couvre à la fois nos bustes et toute la gamme des saisons et des couleurs, pendue dans notre garde-robe. Déboutonnons-la.
Bon chic bon genre
Parlons sexes, d’abord. Car la chemise se fend dans le domaine. Voici quelques questions fréquentes sur le sujet et les réponses que nous leur trouvons. Mais c’est parfois une autre paire de manches.
La chemise est-elle réservée à la gent masculine, comme la vespasienne ou le métier de sous-marinier avant Jean-Yves Le Drian ? Bien sûr que non, les femmes ont leurs propres collections, aux cols moins rigides, nous dit-on. Et c’est précisément la nature de ce col qui permet de différencier la chemise féminine du chemisier. Très technique, passons… Et cette histoire de boutonnage dans un sens ou dans l’autre selon le genre ? Une explication fréquente révèle que les droitiers, majoritaires, accrochent plus facilement les boutons cousus à leur droite. Comme les soubrettes de jadis, chargées d’habiller les dames de rang, seules à porter la chemise aux boutons cousus, par conséquent, de l’autre côté.
Nuit d’homme
Mais la chemise de nuit, alors ? Mixte ? Tout dépend du catalogue. Chez La R., on vend des chemises de nuit pour hommes, oui, Madame ! Et je vous conseille d’ailleurs d’ouvrir les pages qui leur sont dédiées : cela guérit de l’envie de devenir mannequin. D’autres commerçants proposent un article sensiblement identique sous le dénominatif de liquette. C’est un terme familier, me disent Robert et Pierre. Toutefois on l’utilise pour désigner un vêtement féminin ressemblant comme une sœur à une chemise d’homme. Le boutonnage doit courir de l’encolure à la poitrine, complète l’encyclopédie en ligne. Donc, si ma femme me pique ma chemise de nuit, elle dort en liquette, c’est ça ? Une chemise de nuit, achève le dictionnaire québécois Usito, est un vêtement en forme de robe. On dira aussi robe de nuit ou nuisette. Nous voilà dans de beaux draps.
Le blanc, voyons !
Dès que le jour sera levé, la couleur de la chemise pourra revêtir toute son importance. Les chemises brunes comme les chemises noires sont de sinistre mémoire. On a un peu oublié les chemises rouges chères à Garibaldi. Les jaunes attirent les coléoptères. Les chemises bleu clair arborées par les forces de l’ordre sont un peu connotées. C’est sûr, la chemise classe est blanche, comme la petite robe est noire. Avec ou sans cravate, à manches courtes ou à manches longues, avec gilet ou veston. Mais blanche !
Après le boulot ou les réunions de représentation, la malle aux trésors est ouverte. A nous les chemises fantaisie ! Décrochons les motifs et les fleurs, les rayures et les carreaux, les logos et les inscriptions… Laissons les panais s’échapper des ceintures, libérons les boutonnages jusqu’à plus, retroussons les manches ! Et arpentons les boutiques pour trouver la perle !
Choix crucial
Au moment du choix en magasin, faites-vous conseiller : fibres et couleurs, ensembles et tissages… Si comme beaucoup vous ne vous êtes pas soucié de votre première chemise, tâchez de le faire pour la prochaine. La coupe du modèle se montre primordiale : c’est elle qui doit s’adapter à votre corpulence. Slim ou cintrée pour les beaux gosses, elle devra être ajustée (ou regular) avant que vous ne passiez chez les grandes tailles. On ne se chemise pas comme on chemise un moule à charlotte.
Prenez le temps de choisir : « C’est une question de propreté, écrivait Jules Renard, il faut changer d’avis comme de chemise. » On pourra préférer cette pensée à celle d’un Haut-Marnais célèbre qui cachait bien mal sa misogynie : « Un homme de lettres peut avoir une maîtresse qui fasse des livres ; mais il faut que sa femme fasse des chemises. » Vous repasserez, M. Diderot.
De notre correspondant