Charlène veut que ses clients « se trouvent beaux et se reconnaissent »
Se faire photographier est parfois une épreuve tant l’image qu’on a de soi est abîmée. À Chalindrey, Charlène amène ses clients à la restaurer. De quoi les réconcilier avec eux-mêmes. En se sentant mieux, ils sont aux portes du bien-être.
« La photographie est à l’endroit, dans le même sens qu’une personne qui nous regarde. À l’inverse de notre reflet dans le miroir ». Il y a bien une explication scientifique à la distorsion de l’image qu’on a de soi dans sa salle de bains et celle de l’entourage. Et puis il y a les idées, approximatives ou ciselées, qu’on se fait de son apparence. Dans son studio photo de Chalindrey, Charlène est parfois en butte aux complexes de ses clients. Et alors ? « Chez moi, une photo, ce n’est pas juste un clic du déclencheur, je dois apprendre à « connaître » – pour le dire vite – les gens que je vais photographier ». La professionnelle cherche à identifier les sources de leur mal-être. Cette femme est obsédée par son avant-bras, un peu fort. « Je le couvre d’un vêtement ample ou je lui demande de mettre une main dessus ou bien j’accentue la lumière sur le tissu… ». Charlène cherche en permanence à ce que ses clients « se trouvent beaux et se reconnaissent ». Et que, contents ou mécontents du résultat, ils le lui disent. Toutefois, force est de constater que même lestés du boulet d’une image dégradée, ses clients ont bien franchi la porte de son studio. Comme s’ils comptaient déjà sur son talent pour se réconcilier avec eux-mêmes.
« Ça se décante à la 3e ou 4e photo »
« La plupart du temps, même si l’on entre en me demandant une photo, on ressort avec plusieurs ». Oui, il y a des hommes, et qui, malgré leurs complexes, en ont besoin. À l’exemple de ceux qui sont inscrits sur un site de rencontres. La mise en confiance établie, Charlène les entend commenter les clichés. « Tiens, celle-ci me plaît bien aussi… ». Il est heureux que les clients multiplient les photos car, convient Charlène, « la première est souvent dure, rigide, ils sont fermés et donc ne sont pas à leur avantage. Ça se décante à la 3e ou 4e ». Mais quand la composition avec soi-même est âpre, une séance photo n’est-elle pas un supplice ? C’est que si la photographe est animée par une intention, on est soi-même réduit à attendre… « Non, le sujet donne aussi ». C’est en montrant quelques clichés que Charlène va finir par « taper juste ».
Tu seras bien sage et bien mis mon chéri
« Les parents veulent absolument que leur enfant sourie ». Charlène participe aussi au mieux-être des marmots. C’est que non seulement leurs parents leur imposent de sourire mais avant d’arriver au studio, « ils leur ont mis le taquet » – n’est-ce pas que tu seras bien sage et bien mis mon chéri. Sauf qu’il arrive que « le gamin soit en mode n’importe quoi ». Charlène commence alors par « évincer les parents pour être tranquille ». Jusqu’à 8 ans, elle sait que leur attention ne dépassera pas 25 mn. Qu’entre 8 et 10 ans, « ils se prêtent facilement au jeu ». Qu’avec les ados, l’affaire est ardue. « Il faut connaître leurs mots, leurs thèmes », avoir en tête qu’ils sont de l’époque « selfies ». Pour faire une photo d’une femme enceinte ou d’un nu, la professionnelle s’applique à « parler à voix haute » : elle dit bien fort tout ce qu’elle fait. « Quand, découvrant la photo, ils me disent « Vous avez bien travaillé », je leur réponds « Non, je me suis juste occupée du rendu esthétique » ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr