Charivari – L’édito de Patrice Chabanet
Le gouvernement – et avec lui le chef de l’Etat – a donc mis un genou à terre. Il le craignait mais au fond de lui-même il croyait à sa bonne étoile. Faut-il y voir un basculement de la baraka à la scoumoune ? Les intéressés, la classe politique et les observateurs se sont bien gardés d’échafauder la moindre extrapolation. Le vote d’avant-hier a refroidi les ardeurs prévisionnistes. Une démission d’Elisabeth Borne ? Une dissolution de l’Assemblée à court terme ? Un référendum sur l’immigration ? Des cas de figure qui dépendent étroitement du bon vouloir d’Emmanuel Macron, son véritable pouvoir.
On n’a pas encore assez de recul pour mesurer l’impact de la motion de rejet sur le fonctionnement de la Ve République. Elle consacre le passage du bipartisme au tripartisme, de la stabilité institutionnelle à la confusion des genres. Objectivement, l’extrême droite et l’extrême gauche ont uni leurs voix, comme elles pourraient le faire avec le recours à une arme plus meurtrière, la motion de censure. Ce qui n’était pas imaginable il y a peu devient possible.
Dans un pays comme l’Allemagne on a résolu le problème en cultivant l’art du compromis, un gros mot en France. Contrairement à une légende savamment entretenue de ce côté-ci de la frontière, les grands partis allemands mettent des mois pour s’accorder. La démocratie se construit et se renforce dans la patience. Tôt ou tard les Français devront s’y résoudre, sauf à vouloir précipiter l’avènement d’une guerre civile froide.