Changer la loi – L’édito de Patrice Chabanet
En marge de toute polémique, la confirmation par la Cour de cassation de l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi a suscité l’incompréhension. Comment dans le même jugement peut-on reconnaître le caractère antisémite de l’acte et blanchir son auteur qui aurait agi sous l’effet d’une « bouffée délirante » ? On connaît le résultat : une levée de boucliers contre une décision de justice qui privilégie la lettre de la loi, mais pas son esprit. Face à une colère montante, Eric Dupond-Moretti annonce un projet de loi, dès le mois prochain, sur l’irresponsabilité pénale, pour réduire ce hiatus . Et rendre cohérente l’application de la loi. En l’occurrence, l’absorption de stupéfiants a été considérée comme une circonstance atténuante. Alors qu’en matière de sécurité routière, elle est perçue comme une circonstance aggravante. Allez comprendre…
Dans cette mise à plat du fonctionnement de l’institution judiciaire, il est de bon ton de s’en prendre aux juges. La critique est l’apanage de toute société démocratique. Mais il serait temps d’examiner aussi de près le rôle des experts dans une discipline, la psychiatrie, qui est loin de faire l’unanimité. La psychiatrie, comme le rappelle fort justement Luc Ferry, n’est pas une science exacte. Or elle sert de socle dans la décision des juges.
Si l’affaire Halimi fait autant de bruit, ce n’est pas seulement en raison d’un jugement de la Cour de cassation mais du climat antisémite qui enveloppe notre société. La bête immonde est toujours là. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la Shoah, elle ressort ses griffes. Les nostalgiques de Vichy d’un côté et la mouvance de l’islamisme radical de l’autre lui donnent matière à stigmatiser les juifs, uniquement parce qu’ils sont juifs. Il n’est pas normal que dans une démocratie comme la nôtre, nos concitoyens juifs soient amenés à quitter leur quartier pour des raisons de sécurité. L’antisémitisme, c’est aussi ce visage hideux de notre société. Il faudra plus qu’une loi pour l’effacer.