Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.

Alexia Bailly : « Passer pro, c’est un jeu d’équilibriste »

A Aix, la Chaumontaise a décroché son premier podium chez les professionnels sur le semi Ironman. (Photo Active Image)

Responsable partenaires chez Ironman Europe, en Allemagne, la Chaumontaise Alexia Bailly, championne de France de triathlon juniors en 2011, a décidé de plaquer son job il y a quatre ans, pour se consacrer à nouveau totalement à son sport. Depuis janvier, enfin, tous ses sacrifices paient. La voici qualifiée pour les Mondiaux professionnels 70.3 aux Etats-Unis en octobre et les Mondiaux longue distance avec l’équipe de France, le 21 août, en Slovaquie. Elle raconte ses efforts, ses choix et son quotidien.

jhm quotidien : Depuis quelques mois, les bons résultats s’enchaînent pour vous. Une renaissance après des années post-catégories jeunes compliquées ?

Alexia Bailly : « Disons qu’il y a eu comme un déclic cette année. Je m’entraînais bien depuis trois ans, mais cela ne se traduisait pas dans mes résultats sur les courses. J’ai retrouvé une légitimité dans mon projet. Entre 2015 et 2018, j’ai complètement arrêté la compétition. J’en avais marre des blessures et mes performances n’étaient clairement pas à la hauteur de mes performances. Depuis 2018, j’ai repris, puis j’ai décidé de passer pro. »

jhm quotidien : Et il y a quatre ans, donc, vous décidez de quitter votre poste de responsable partenaires chez Ironman en Allemagne…

Alexia Bailly : « Je travaillais en Allemagne, chez Ironman Europe, et j’y occupais un bon poste, mais je n’y trouvais pas le plein équilibre. Je ne me projetais pas. J’avais envie de repartir à Montpellier, où des amis préparaient alors les Jeux olympiques. J’avais dans l’idée de me lancer en freelance pour les accompagner pour la partie communication et leurs partenariats. Ce que j’ai fait d’ailleurs. »

jhm quotidien: Vous repartez alors totalement dans l’inconnu…

Alexia Bailly : « Carrément ! Je suis repassée à une vie étudiante. Je faisais quelques missions en communication, je donnais des cours d’anglais. Sur la saison dernière, il me fallait un budget de 10 000 euros. Quand on est triathlète pro, on gère son entraînement, ses performances mais aussi toute la recherche de partenaires. On paie nos déplacements, on paie nos compétitions. Le format longue distance limite le nombre d’épreuves sur la saison. Il faut récupérer entre deux. Et surtout, il ne faut pas se louper, sans quoi on ne gagne pas d’argent. Chaque mois, c’est un jeu d’équilibriste. En mars, je suis allée à Dubaï. Cela m’a coûté 1 500 euros. Des primes étaient distribuées aux cinq premières. J’ai fini septième… Alors bien sûr, j’ai un vélo, mais ça ne me permet pas de manger. »

« Mon retour avec Stéphane Royer a offert un gros boost »

jhm quotidien : En janvier, vous décidez de changer d’entraîneur. Il y a forcément un lien de cause à effets avec vos performances, non ?

Alexia Bailly : « Quand j’ai décidé de retravailler avec Stéphane Royer, l’entraîneur de Chaumont qui m’a amenée à mon dernier titre de championne de France juniors, en 2011, ça n’allait plus avec mon entraîneur. J’étais un peu au fond du trou. Pourtant, avec lui, on a reconstruit un socle. Je n’ai plus eu de blessure en m’entraînant à ses côtés. On a fait beaucoup de volume, de régularité. C’était différent du Pôle. Depuis janvier, mon retour avec Stéphane a offert un gros boost. On a changé les intensités, les séances. Mais je ne suis pas naïve non plus. Avec la fin du Covid et le retour d’un calendrier plus rempli, les pros se sont éparpillés et répartis sur différentes épreuves. Les compétitions sont donc devenues un peu moins denses. C’est aussi ce qui me permet de tirer mon épingle du jeu. »

jhm quotidien : Le choix de retravailler avec Stéphane Royer, est-ce une volonté de revenir aux sources ?

Alexia Bailly : « Au départ, quand je l’ai appelé, c’était juste pour lui demander un coup de main, notamment pour mon entraînement à vélo. Il m’a répondu : ‘‘soit on fait à 100 %, soit on ne fait rien !’’ C’était un pari. Cela aurait pu ne pas marcher. »

jhm quotidien : Comment cette collaboration à distance s’articule-t-elle ?

Alexia Bailly : « Chaque semaine, il m’envoie mes séances. Je m’entraîne seule très souvent et ce n’est pas simple. Mais je sais aussi que je fais ce que j’aime tous les jours. Je sais pourquoi je le fais et je sais aussi que j’ai quelqu’un derrière moi qui croit en mes capacités. C’est aussi ça, le déclic. Ce projet tourne autour de moi. Avant, dans le groupe où je m’entraînais, j’étais un projet secondaire, aux côtés d’athlètes plus forts. Je n’étais pas épanouie. Puis en pleine période de doute, j’ai rencontré des athlètes super, des vététistes qui m’ont dit de ne pas lâcher l’affaire. J’avais postulé à deux ou trois boulots. J’étais sur le point de repartir sur le marché de l’emploi. Je suis contente de ne pas l’avoir fait ».

Jhm quotidien : En mai, lors de votre deuxième place au semi Ironman d’Aix, votre premier podium chez les pros, vous passez la ligne submergée par l’émotion. La prise de conscience de vos sacrifices et des obstacles franchis ?

Alexia Bailly : « C’est surtout qu’à l’arrivée, je me suis rendue compte de ce que je venais de faire ! Je ne savais pas à quel point j’avais envie de vivre ça. Ça m’a dépassée ! En fait, je crois que j’avais peur de ne jamais y arriver. Cette deuxième place a été un soulagement de fou. Pendant toute la course, ça a été le cirque dans ma tête. J’ai longtemps été en tête alors que je n’avais pas à y être. Et puis la situation a duré, et encore duré. Mes capteurs de puissance indiquaient que j’étais bien. A pied, j’ai craint les crampes, mais elles ne sont jamais venues. Plus je me suis rapprochée de l’arrivée et plus j’ai réfléchi. »

« Trouver l’autonomie financière, c’est dur chaque jour »

jhm quotidien : Suite à votre deuxième place à Aix, vous enchaînez, début juillet, avec un nouveau podium sur l’épreuve des Sables Vendée et, dans la foulée, vous décrochez une sélection pour les Mondiaux longue distance avec l’équipe de France…

Alexia Bailly : « Sur l’épreuve aux Sables, c’était différent. C’était l’épreuve de mon club. J’étais attendue. Toute la semaine, j’ai senti la pression, j’ai eu des sollicitations plus que d’ordinaire. Sur le vélo, je n’avais pas les jambes. Du coup, je n’avais pas vraiment d’ambitions sur le semi, à pied. Finalement, j’ai eu des jambes de feu et j’ai couru trois minutes plus vite que mon meilleur temps. »

jhm quotidien : Ces bons résultats vous permettent-ils de vivre aujourd’hui de votre passion, en tant que triathlète professionnelle ?

Alexia Bailly : « Trouver l’autonomie financière, c’est dur chaque jour. Il faut démarcher. Mes derniers résultats vont, j’espère, m’offrir plus de visibilité et de crédibilité. En 2022, je souhaite passer un cap. Mon rêve, c’est de passer pro… pour de vrai. Cela veut dire ne pas avoir du tout de job à côté. Même si j’aime travailler, concilier les deux emplois du temps et toutes ces contraintes est compliqué. »

jhm quotidien : Vous vivez à Montpellier, mais vous courez pour les Sables Vendée. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Alexia Bailly : « Il y a un projet sportif et un vrai soutien. Le club m’a fait venir pour faire monter l’équipe en D2, ce qu’on a fait. Il m’aide aussi sur mes objectifs individuels en longue distance et me laisse la priorité pour participer à certaines épreuves importantes, en me libérant du championnat par équipes. C’est aussi lui qui m’a prêté un vélo de chrono quand j’ai débuté chez les pros et il me finance quelques courses dans la saison. Son engagement est précieux à mes côtés. »

jhm quotidien : Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous dans cette nouvelle vie ?

Alexia Bailly : « Je ne me plains pas. J’ai la chance de me lever chaque matin en exerçant ma passion. J’avoue tout de même que, parfois, je sortirais bien en terrasse avec des copines. En me réveillant à 6 h 30 quatre fois par semaine et à 7 h 30 le reste du temps, je ne peux pas me le permettre. Quand un objectif est programmé, il faut s’y tenir. Quand ce n’est pas le moment, même si on a envie de souffler, ce n’est pas faisable. »

« Il manquait des marches à l’escalier »

jhm quotidien : Quand vous jetez un œil dans le rétro, avez-vous des regrets ?

Alexia Bailly : « Non. Quand j’ai quitté Chaumont, j’ai intégré l’école de commerce que je voulais, à Montpellier. C’était aussi l’heure de la liberté. Sportivement, ça a été compliqué, mais on ne peut pas savoir si ça l’aurait été moins en restant à Chaumont avec un autre projet. Peut-être aurais-je eu une progression linéaire, mais personne ne peut en être certain. Entre les catégories jeunes et les espoirs internationaux, il y a un fossé. Je ne nageais pas très bien et je rattrapais souvent mon retard à pied ou à vélo. En courte distance, ce n’est possible que s’il n’y a pas une grosse densité. Quand je suis passée chez les seniors, il y avait un gros décalage entre ce qu’on attendait de moi et ce que j’étais capable de faire. Dans un Pôle, on vise les Mondiaux. J’étais loin de ces objectifs. Il manquait clairement des marches à l’escalier. »

jhm quotidien : Dans un tel projet, on est rarement seul. Comment votre famille vit-elle cette aventure ?

Alexia Bailly : « Ma famille me soutient. Elle me laisse prendre mes décisions, du moment que je les assume. Ils ont fait l’aller-retour (1 400 km) pour m’encourager aux Sables-d’Olonne, début juillet. J’ai de la chance. Ils sont passionnés de triathlon depuis vingt ans. Début septembre, je disputerai le triathlon de Gérardmer avec mon papa, Philippe. C’est l’un des premiers triathlons que j’ai faits quand j’étais jeune. Avec lui, ça va être vraiment un moment sympa à vivre ! »

Propos recueillis par Delphine Catalifaud

d.catalifaud@jhm.fr

Sur le même sujet...

Au stade dimanche
Chaumont
Au stade dimanche
Duathlon/triathlon

Dimanche 28 avril, l’équipe féminine de l’US Sermaize, en départemental 2 à huit, recevra le Chaumont FC au stade municipal (coup d’envoi à 10 h 30).

Bar-sur-Aube
Un avant-goût de Jeux olympiques
Duathlon/triathlon

Samedi 13 juillet, la Flamme olympique sillonnera le département de l’Aube avant d’arriver à Paris le lendemain, jour de la Fête nationale. Un convoi fera quelques échappées vers certains lieux,(...)

Eurville-Bienville
Tournoi d’Eurville-Bienville : Le dernier mot pour Cédric Ribet (15/2)
Duathlon/triathlon Sports de raquette

Dimanche 21 avril, dès 9 h, ont eu lieu les demi-finales du tournoi d’Eurville-Bienville, à la fois chez les dames et chez les hommes. Ils étaient 62 participants. La météo,(...)