Cathédrale : le mystère des reliques de saint Aurèle Marcien
RELIGION. La cathédrale Saint-Mammès accueille, entre autres reliques, celles de saint Aurèle Marcien, translatées depuis Rome en 1843 par Mgr Pierre Louis Parisis, alors évêque de Langres. Un point d’hagiographie qui n’avait jamais été remis en cause jusqu’en 2020, lorsque l’historienne Pascale Debert affirme que ces restes sont probablement ceux d’une femme. Explications.
L’Histoire est entendue. Dans l’une des chapelles absidiales de la cathédrale Saint-Mammès, un corps de cire repose dans un magnifique tombeau qui lui est dédié. A ses côtés, une urne contient une fiole de son sang. Il s’agit des reliques de saint Aurèle Marcien, l’un des saint martyrs des catacombes de Rome, où se trouvent nombre de sépultures de chrétiens tués aux temps de l’Eglise catholique primitive, ceux des persécutions subies par le christianisme lors de l’Antiquité tardive. Ces sépultures ont été exhumées, à la suite de grands travaux archéologiques, durant les années 1830 et 1840.
En 1842, nous apprennent, en 1847, Les Mémoires de la Société historique et archéologique de Langres, l’évêque de Langres, Mgr Pierre Louis Parisis, décide de renouer avec une vieille tradition : la visite ad limina à Rome. Il découvre alors les catacombes et obtient l’autorisation de ramener à Langres le corps (reconstitué en cire) et les reliques d’un des saints martyrs : Aurèle Marcien. La translation en la cathédrale Saint-Mammès a lieu le 22 février 1843, au cours d’une cérémonie grandiose et réunissant de nombreux fidèles.
L’histoire aurait pu en rester là. C’est d’ailleurs le cas pendant plus de 175 ans, jusqu’en 2020. Cette année-là, cependant, l’historienne nancéienne Pascale Debert, auteur de nombreux ouvrages, notamment biographiques, s’intéresse aux reliques de saint Aurèle. Elle publie alors sur son site Internet, Histoires galantes, un article dans lequel elle affirme que les reliques conservées à Langres sont probablement… celles d’une femme.
Bataille d’hagiographes
Elle a, pour étayer son propos, effectuer la démonstration suivante. Premier point : selon elle, les seules sources évoquant un saint Aurèle Marcien sont toutes langroises. Il n’existe aucune trace ailleurs : « Point de saint Aurèle Marcien des catacombes parmi les nombreux Aurèle canonisés (Aurèle de Carthage, Aurèle de Milan, Aurèle du Puy, ou Aurelius, Aurèle avec sa femme Nathalie, martyrs à Cordoue) ». Deuxièmement, une curieuse correspondance temporelle semble indiquer qu’il est probable que la sépulture trouvée soit celle d’une femme, prénommée Aurélie : « Le saint est rapporté de Rome en 1843, date exacte où l’on découvre les reliques de sainte Aurélie ou Aurelia Petronilla, vierge et martyr, mise à mort vers 260 au nom sa foi sous le le règne de l’empereur Valérien et dont le tombeau fut découvert en 1842 dans une galerie de la catacombe Sainte Priscille à Rome ».
Une erreur ou une machination, conclut-elle, aurait donc conduit Aurélie à être présentée aux Langrois comme “saint Aurèle”. Son assertion a évidemment provoqué quelques remous dans les milieux hagiographiques. Avant que, quelques mois plus tard, un autre historien hagiographe, Gérard Van Aeperen, ne vienne réfuter sa consœur par un document de sa connaissance, issu des Archives du Vatican : « On y lit un paragraphe latin affirmant que, le 1er mai 1842, le Sacriste pontifical a donné à Monseigneur Pierre Louis Parisis, évêque de Langres, le corps de saint Aurèle Marcien, de nom propre, trouvé le 23 décembre 1840 dans la Catacombe de Priscille, près de la Via Salaria-Nova, avec une palme gravée dans la chaux et une pierre de marbre portant son nom. Voici ce qu’on peut affirmer de certain et d’authentique ». L’honneur langrois est sauf !
N. C.