Café-philo : la philosophie au secours de la bêtise
“La bêtise est-elle nécessaire pour vivre ensemble ?”. Avec un tel sujet de réflexion pour leur premier rendez-vous de l’année à la médiathèque, jeudi 24 février, les amateurs de café-philo n’ont pas fait qu’en rire.
Pour alimenter le débat, la bibliothécaire Isabelle Grel et le philosophe Didier Martz ont rappelé que le mot “bêtise” peut prendre les formes les plus variées et se présenter sous des aspects très divers. Petite ou grande, pardonnable ou impardonnable, sans conséquence ou tragique, risible ou comique, qu’on ne refera plus ou qu’on refera toujours, la bêtise est omniprésente. Qui dans une journée, dès qu’une situation lui échappe, n’a pas impulsivement prononcé ces deux mots, envers soi-même ou n’importe quel quidam : « Quel con ! » ? D’où cette première conclusion : le mot bêtise couramment utilisé pour les enfants devient “connerie ” à mesure que l’on grandit.
Slogans politiques qui ont traversé les années, grands esprits comme Einstein, hommes de lettres tel Prévert, politiciens, la liste est longue de ceux qui ont contribué, à force de citations mémorables, à consacrer et à banaliser la bêtise. Cette bêtise semble peser sur nos vies. La question posée lors de ce café-philo sur le thème “La bêtise est-elle nécessaire pour vivre ensemble ?”, a donc surpris, tant la réponse semblait évidente. Et de fait, rarement assemblée n’aura été aussi prompte et unanime à répondre de façon négative à la question du jour. Chacun se justifiant en expliquant comment la bêtise gâche la vie quotidienne et peut être source de tensions.
Un monde sans plus aucune bêtise où la stupidité serait combattue grâce à l’éducation semble ainsi à première vue bien alléchant. Mais si nous ne faisons plus de bêtises, c’est que nous ne faisons plus d’erreurs. Nous serions donc des êtres parfaits, sans défaut, sans aspérité, tous identiques avec nul besoin des autres, le meilleur des mondes ou le pire des cauchemars dans une vie totalement aseptisée.
Mais vivre c’est ressentir, c’est faire avec ses qualités et ses défauts, c’est faire des bêtises, c’est apprendre de ses erreurs, c’est essayer de comprendre celles des autres, c’est aussi parfois se dévaloriser ou réagir de façon impulsive et se traiter ou traiter les autres de “cons”, c’est vivre ensemble tous différents. La bêtise c’est l’expérience de la vie. Soyons sincères la “connerie” peut être aussi synonyme de joie. Sans les répliques culte de films imaginées par Michel Audiard ou Francis Veber, sans les chansons de Brassens, Brel, Gainsbourg, Souchon, Renaud et de bien d’autres encore, où la “connerie” et les “cons” sont magnifiés, la vie serait plus morne.
« Celui qui parle constamment des cons d’un air condescendant, ne fait-il pas aussi un peu partie de la famille ? ». Cette citation de Pierre Perret invite à convenir que nous sommes tous des êtres imparfaits. Donc humains et potentiellement “cons”. Un tel sujet de réflexion prêtait à sourire. Celui de Didier Martz en fin de séance traduisait sa satisfaction d’avoir atteint son but : ébranler les certitudes des participants. Il leur a donné rendez-vous au jeudi 28 avril pour de nouveaux débats.