Café-philo : la guerre en question
Les cafés-philo
de la médiathèque permettent
à chacun de donner librement
son avis sur un sujet
dans le cadre d’une discussion
organisée. Celui proposé
jeudi 28 avril a été
particulièrement animé.
Composé d’habitués, de nouvelles têtes et de lycéens, un public nombreux a répondu à l’invitation de la bibliothécaire Isabelle Grel et du philosophe Didier Martz. Cette importante participation est sans doute liée au débat proposé en lien avec l’actualité : “Selon une étude, l’humanité n’aurait connu que quinze jours de paix ! Serait-il dans la nature humaine de faire la guerre ? ”. Première approche, Didier Martz a rappelé que depuis de nombreuses années, la guerre on la retrouvait plutôt dans les pages économiques des journaux et sa comparse la guéguerre dans les pages politiques, qu’elle ne rimait plus avec militaire. Et d’ajouter : « Elle est toujours là mais au-delà de nos océans, dans des pays que nous ne sommes pas toujours capables de placer sur une carte. » Mais avec ce qui se passe en Ukraine depuis le mois de février, les médias ont tous dégainé leurs experts en stratégie militaire, leurs “poutinologues” car le bruit des armes résonne à nouveau en Europe.
Pour les Russes, il s’agit d’une « intervention militaire spéciale ». Mais c’est bien le mot de “guerre” qui est à la une de tous nos journaux avec son lot d’exactions, de victimes civiles, de charniers, de femmes violées, de paysages de ruines, de réfugiés, de menaces, de surenchères verbales. Impossible de rester insensible à toutes ces images porteuses d’émotion, de compassion et de solidarité. Mais pour en débattre, un peu de recul s’impose. Entre les participants qui ont vécu en période de guerre, ceux qui l’ont connue dans leur corps, ceux qui y ont perdu un proche, ceux qui ont dit ou entendu « Plus jamais ça ! », ceux qui ont grandi à l’ombre des ruines, ceux qui ont perçu son souffle dans le récit ou le silence des parents ou grands-parents, ceux pour qui c’est un chapitre dans un livre d’histoire, un documentaire vu un soir à la télévision, un décor de film ou de jeu vidéo… les avis ont été forcément différents. D’où ces questions : y a-t-il des guerres justes ? Est-ce que la guerre est un mal pour un bien ? Le terrorisme est-ce la guerre ? Comment arrête-t-on une guerre ? La guerre est-elle l’apanage du sexe masculin ? Faire la paix et gagner une guerre, est-ce la même chose ? La dissuasion nucléaire nous préserve-t-elle de la guerre ? Un pays n’existe-t-il sur le plan international que s’il montre à grand renfort de défilés militaires sa capacité à faire la guerre ? Pourquoi certaines guerres nous touchent plus que d’autres ? Le mouvement pacifiste existe-t-il toujours, est-il audible ? La guerre est-elle la seule réponse aux conflits territoriaux, aux pénuries de ressources naturelles, de nourriture ou de sources d’énergie ? La hiérarchisation de la société et la sédentarité de l’homme à la Préhistoire entraînant le développement de l’agriculture, le stockage de la nourriture et des matières premières et l’armement des hommes chargés de protéger ces stocks ne provoquent-t-elles pas le développement des guerres ?
On doit poser cette question plus générale : la violence est-elle une affaire de nature ou de culture ? « L’homme est-il instinctivement envieux, haineux, violent ? » Ou est-ce plutôt la société par l’éducation, la culture, la religion, les classes sociales qui pousse l’homme au conflit ?