Blessé au travail
Le 15 novembre 2011, à Rachecourt-sur-Marne, un opérateur de fabrication de l’ancienne unité haut-marnaise du groupe SMPE voyait sa main être happée par une machine-outil. L’entreprise et le directeur de site ont été poursuivis pour blessures involontaires.
Certaines réalités témoignent des méthodes de puissants groupes industriels. Le groupe sidérurgique allemand Salzgitter affichait en 2011 un chiffre d’affaires de neuf milliards d’euros et un résultat net de 230 millions d’euros. Anticipant des difficultés – observées dès 2012 -, la direction du groupe présentait dès 2009 un plan de sauvegarde frappant une des branches du groupe. Filiale française de Salzgitter Mannesmann Précision, la SAS Salzgitter Mannesmann Précision Etirage (SMPE), spécialisée le laminage de tubes, était visé par la fermeture, à l’horizon 2012, de l’usine de Rachecourt-sur-Marne (Haute-Marne). Plus de 60 emplois étaient menacés. Le site fermera ses portes en 2012. Un ancien employé avait perdu une de ses mains quelques mois plus tôt.
L’accident du travail survenu le 15 novembre 2001, à 0 h 30, aura donné lieu à une enquête. Les fonctionnaires de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) se seront notamment penchés sur le respect des règles de sécurité au sein de l’entreprise. Une machine-outil attirera plus particulièrement l’attention des représentants de la Direccte. Cet équipement prend en charge des tuyaux. La rotation mécanique de l’un d’eux aura happé une des mains du salarié. Les certificats de conformité attribués par la société de certification Dekra seront rapidement mis en doute. Plusieurs dispositifs de sécurité étaient désactivés. Contrairement à d’autres machines-outils, aucune barrière de protection sécurisant la manipulation des tuyaux n’avait par ailleurs été installée.
Témoignages divergents
Dans un contexte de fermeture annoncée du site de production et de reclassement des personnels dans d’autres sites de SMPE, les salariés entendus par les enquêteurs livraient des témoignages divergents. Si des membres du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) excluaient la connaissance du moindre risque, des salariés pointaient clairement la dangerosité de la machine-outil. La SAS SMPE et le directeur du site de Rachecourt-sur-Marne seront poursuivis pour blessures involontaires. Responsable du site, Hugo B fera valoir plus de trois ans après l’accident l’existence d’une délégation de pouvoir relative au respect des règles de sécurité au sein de l’unité de production. Entraînant de lourdes responsabilités, cette délégation avait été confiée à un cadre étranger aux connaissances juridiques de base. La validité de cette délégation de pouvoir aura prêté à de longs et pointilleux débats au cours d’une audience tenue, mardi après-midi, devant le tribunal correctionnel.
«Attitude gravissime»
Faisant valoir une absence de responsabilité pénale liée à cette délégation de pouvoir, Hugo H aura répété avoir veillé au respect des conditions de sécurité au sein de l’entreprise. «Je suis arrivé en 2006, face à la vétusté des installations, j’ai arrêté la production et des investissements importants ont été consentis. En ce qui concerne la sécurité, je n’avais aucune limite budgétaire. Aucun accident n’est d’ailleurs survenu au sein de l’entreprise», assurait le prévenu. Une représentante de la Direccte renvoyait Hugo H à la réalité. «Contrairement aux affirmations de monsieur, un accident était survenu en octobre 2006, le doigt d’un salarié avait été happé», révélait cette fonctionnaire. Représentant le salarié blessé en 2011, Me Cotillot enfonçait le clou. «Un investissement de 10 000 euros a été réalisé suite à l’accident survenu en 2011, si cet investissement aurait été réalisé plus tôt, cet homme n’aurait pas perdu sa main, mais investir dans une entreprise appelée à fermer n’était clairement pas une priorité. (…) Monsieur a été accusé de menacer l’avenir de l’entreprise en cas de dépôt de plainte, pour rappel, cette entreprise est liée à un groupe pesant plusieurs dizaines de milliards d’euros», martelait l’avocate. Le procureur Bottineau pointait également la responsabilité de Hugo H et de la SAS SMPE. Dix-huit mois de prison avec sursis étaient requis à l’encontre de l’ancien directeur du site. Soulignant une «attitude gravissime», la représentante du ministère public appelait par ailleurs le tribunal à sanctionner la SAS SMPE à hauteur de 50 000 euros d’amende. Le tribunal a condamné à la SAS SMPE à 50 000 euros d’amende. La responsabilité de l’ancien directeur du site de Rachecourt-sur-Marne a été écartée.