Bizarre, vous avez dit bizarre – l’édito de Patrice Chabanet
On ne prête qu’aux riches : personne ne voudra croire à la version officielle du crash qui aurait coûté la vie à Evguéni Prigojine. Les conditions de la chute de l’appareil excluent l’hypothèse de l’accident. La descente en piqué de l’avion évoque plutôt celle de l’attentat. La présence du patron de Wagner dans la liste des passagers la renforce. Evidemment.
L’administration américaine ne s’y est pas trompée. Dès hier soir, elle a fait savoir qu’elle n’était « pas surprise ». Un euphémisme qui cache à peine une certaine jubilation de voir la Russie s’enfoncer dans les réglements de compte au sommet de l’Etat.
La mort probable de Prigojine nous renvoie à la saga des complots florentins du XVe siècle et aux règles de la mafia d’aujourd’hui. L’intéressé devait d’ailleurs s’y attendre. Sa marche sur Moscou qui s’est terminée par un accord pour le moins bizarre avec le Kremlin avait signé son arrêt de mort. Poutine n’a jamais donné de chance aux « traîtres », comme il les appelle. Les disparitions étranges jalonnent son parcours. FSB hier, FSB toujours. Il est difficile, à chaud, d’établir les conséquences pour Poutine lui-même de ce qui est survenu hier soir. Il peut bomber le torse avec l’élimination de Prigojine. Mais dans un régime corrompu jusqu’à la moelle, tout est possible. Le maître du Kremlin n’est pas à l’abri d’un « accident ». La cohorte de criminels qui constitue l’essentiel du groupe Wagner pourrait vouloir venger son chef. Autre inconnue, de taille : comment vont réagir les militaires engagés dans la guerre contre l’Ukraine