Bienvenue au Paradis – L’édito de Christophe Bonnefoy
Daniel Bevilacqua avait 74 ans. Christophe, l’âge de celle dont il avait dessiné le visage sur le sable : la vingtaine éternelle de ces artistes qui naquirent au son des yé-yé. Aline a accompagné toutes les générations.
Mais Christophe, ce n’était pas que cette image de dandy posant des mots – bleus – finement ciselés sur les sentiments amoureux. C’était, bien sûr, une voix incomparable. Reconnaissable entre mille. Et, surtout, des choix de vie sans concession. Des orientations artistiques loin des sirènes du marketing. Des expérimentations, souvent. Des prises de risque, en permanence. Au point de pouvoir se permettre des parenthèses interminables. Et de revenir, à contre-courant parfois, mais jamais hors du temps. Il avait su à la fois charmer les amateurs de chanson populaire et approcher d’autres sphères, plus décalées, plus élitistes. Christophe, ou une remise en question perpétuelle qui aura forgé une riche carrière.
Christophe était à part. Une gueule. Un personnage. Un charisme. Une présence. A l’image d’un Bashung, d’un Higelin : peu présents dans les émissions de télé ; systématiquement en recherche de choses nouvelles et fidèles à l’idée qu’ils se faisaient de leur art. Sans dévier. Un accomplissement, plutôt qu’un aboutissement.
L’artiste laisse une œuvre inaltérable. Pour beaucoup, elle reste à découvrir, hors les tubes qui auront marqué ces dernières décennies. Christophe, le lunaire, emporte avec lui un certain mystère. Il aimait l’entretenir. A n’en pas douter, le père des Paradis perdus en a rejoint un autre. Il vient d’y retrouver les grands de la chanson française.