Bien y réfléchir – L’édito de Christophe Bonnefoy
Edito de Christophe Bonnefoy
Bien y réfléchir
Notre pays n’arrête pas de cultiver le paradoxe. Nous aimons par exemple haïr ceux que nous avons adulés peu de temps auparavant. Nos footballeurs. Héros un jour, objets de toutes les rancœurs le lendemain. Parce qu’ils ont eu le pied un peu gauche. Nos politiques, encore. Célébrés le jour de leur élection, critiqués à l’extrême une fois la première mesure décidée. Parce qu’ils ont un peu menti. Par omission sans doute.
Nos cerveaux, même. Voilà encore un paradoxe. La France possède peut-être ce qui se fait de mieux en matière d’intelligence humaine, appelons-là comme ça. Problème : ces mêmes cerveaux bien faits fuient. Pour résumer : nos ingénieurs, entre autres, sont parmi les meilleurs du monde. Mais notre pays accuse un retard certain dans bien des domaines très pointus, sur nombre d’autres pays, Chine et Etats-Unis en tête. Comment imaginer, alors, que l’intelligence artificielle à laquelle Emmanuel Macron veut consacrer 1,5 milliard d’euros jusqu’en 2022, puisse se nourrir de la fameuse intelligence humaine, si cette dernière choisit d’aller traduire en anglais ou en mandarin ses idées avant-gardistes.
Car pour alimenter ces machines d’avenir censées se substituer, d’une certaine façon, à ceux qui les ont créées, il faut bien à la base des têtes pensantes.
C’est tout l’enjeu du plan IA que le chef de l’Etat vient d’annoncer. D’une part, accélérer le pas pour ne plus se laisser distancer. Pour cela, savoir retenir ceux qui se sentent pousser des ailes ailleurs plutôt qu’ici. Mais aussi traduire en terme d’emploi ce transfert de l’humain vers la machine. Et bien évidemment prendre garde, tout de même, que l’intelligence artificielle ne finisse pas par remplacer celle de ses géniteurs. Logique.