Bien-être : le grand « consolateur » du Covid à la place du bonheur
Les mesures liées à la lutte contre le Covid nous auraient amenés comme jamais à partir à la recherche de « bien-être », propulsé au rang de grand « consolateur ». Bien-être au quotidien, au travail, en vacances… On parle d’ailleurs de « marché du bien-être ». Remisant dans le même temps le terme de « bonheur », dont la quête de la recette nous a pourtant longtemps occupés.
La consolation serait possible pour la majorité d’entre nous. Tandis que les sceptiques préfèrent dire qu’ils tirent simplement les leçons du Covid, qui nous a contraints à nous isoler les uns des autres, voire qu’ils prennent leur revanche. Pour tous, c’est décidé, la vie ne fera plus l’économie du bien-être.
Notre révolution
Conjointement, qui embrasse aujourd’hui ses amis, ses collègues dans la vie courante ? Même les jeunes gens préfèrent claquer leurs paumes de main pour se saluer. Le contact tactile, dont les vertus restent intactes aux yeux des professionnels de santé, est passé aux oubliettes. Il reste un fondement pour les seuls amoureux. Après nous être rebellés après la « dictature des émotions », le bien-être est devenu un impératif – et il comporte des disciplines qui visent précisément à maîtriser lesdites émotions.
Univers organisé
Le bien-être est pourtant né avant la pandémie, il a même sa journée depuis 2012, au mois de juin.
Il a ses observateurs-penseurs : des think tanks se sont créés.
Nous attendons des disciplines bien-être qu’elles nous détendent, nous reconcentrent, nous purifient, qu’elles nous rendent le gouvernail de nos vies, aussi. Hier, nous cherchions le bonheur, il avait forcément une recette. Entendre dire des philosophes qu’il était tout à fait possible de « rater sa vie » nous faisait trembler.
A quand la wellness week ?
Le bien-être connaît des tendances. À quand la wellness week ?
Dans son rapport de février 2023, le Global Wellness Institute (GWI) fait surgir des termes et des comportements nouveaux.
Ainsi, les bistrots deviendraient ringards aux yeux de jeunes gens enclins à consommer des « mocktails » à la place des cocktails : exit, l’alcool. En lieu et place d’une station balnéaire, nous serions friands de vacances du type « retour aux sources » à nous occuper de médecines traditionnelles, souvent à l’autre bout du monde… sachant que leurs techniques viennent à nous, y compris en zone rurale.
Si le bien-être au travail est une préoccupation des entreprises depuis plus de 40 ans, reste qu’elle a fort à faire aujourd’hui : sur sa route, se dresserait en effet le « quiet quitting » (ou démission silencieuse) qui reflète le désinvestissement de nombre d’entre nous dans l’idée de travail.
Côté cosmétique, la gent féminine ne s’en laisserait plus conter : sur l’efficacité supposée des crèmes pour ceci et pour cela, elle exigerait des preuves scientifiques. La « clean beauty » s’essoufflerait par conséquent.
Nous attendrions également de notre cadre de vie du bien-être. Il nous faudrait de l’herbe dans les univers de béton.
En courant après le bien-être, nous espèrerions vivre plus longtemps… à condition de nous exonérer des affres du temps. Sur ce chapitre, la graisse reviendrait en grâce… si et seulement si c’est une « graisse brune ».
Parmi les activités « tendance », le GWI cite la « natation sauvage » qui serait à mi-chemin entre la baignade et la randonnée. Au passage, finies les salles de fitness cachées au sous-sol, elles feraient, dans les grands hôtels, l’objet d’investissements financiers importants pour en faire de véritables lieux de vie luxueux.
Le GWI place le « biohacking » au sommet de la mode 2023. La proposition d’« optimiser » les capacités humaines nous emballerait plus que tout. Et nous compterions sur le secours de l’intelligence artificielle… y compris pour « faire repousser nos organes ».
La religion serait la nouvelle expression du bien-être en entreprise, et Google lui-même, qui fermait la porte à toute croyance, aurait ainsi tourné sa veste, absorbant des clans – bouddhique, catholique, hindouiste… Les entreprises s’achemineraient de la sorte vers des « lieux de travail inclusifs » nouveaux, escomptant que la culture d’entreprise y gagne.
« C’est quand le bien-être ? », le futur tube de variété après « C’est quand le bonheur ? » (chanson sortie en 2003) de Cali ?
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr