Bébé décédé à Rimaucourt : « Il n’a pas pu faire ça »
Cour d’assises. La quatrième journée du procès de Jimmy K. devant les Assises de la Haute-Marne a permis aux proches de l’accusé de faire état de leur vérité. « Jimmy, il n’a pas pu faire ça ». Avocate de la partie civile, Me Tribouley a une toute autre lecture du dossier.
Aussi partiel et perfectible puisse être le traitement de ce procès assuré dans ces colonnes, il sera fait publicité, dans le respect des textes en vigueur, du dossier mobilisant l’attention de magistrats, jurés et avocats depuis lundi 21 novembre. Rappelons qu’il s’agit du procès d’un homme accusé d’avoir provoqué par des violences le décès de son bébé, à Rimaucourt, en avril 2020. Le traitement assuré ces derniers jours polluerait les témoignages. « Les personnes présentes ici ne sont pas toujours d’accord avec ce qui est écrit dans le journal », aura jugé utile de préciser madame le président à l’adresse d’un témoin ayant eu la curiosité, quelle surprise, de s’intéresser au traitement consacré à ce dossier par la presse. Madame le président fit mention à trois reprises du « journal ». Sur un ton particulier. Une mauvaise interprétation, forcément, qui oserait en douter ? Avocat de la partie civile, avocat de la défense et avocat général n’émirent aucune critique quant au traitement réservé dans ces colonnes à cette affaire sordide. Bref, la presse rend compte et la cour juge. A chacun ses missions.
« Aucun signe de maltraitance »
Cette quatrième journée d’audience aura notamment permis d’évacuer un désagréable et éventuel débat quant à l’intervention des services sociaux. Mardi 22 novembre, deux témoins avaient écarté la moindre suspicion de maltraitance à l’encontre de Kévin* avant cette tragique journée du 3 avril 2020.
Assurée par madame le président Therme, la lecture de l’audition d’une infirmière intervenant régulièrement au domicile de Jimmy K. et de sa compagne a écarté le moindre doute. En raison du placement du premier enfant de la compagne de Jimmy K. et de difficultés connues des services sociaux, un suivi Protection maternelle et infantile (PMI) a été mis en place dès la naissance de Kévin. Cette infirmière se rendait régulièrement au domicile du couple. Cette professionnelle, notamment à l’occasion de pesées, n’a constaté « aucun signe de maltraitance ». Il a été fait état d’une « bonne relation entre mère et enfant » à l’occasion de douze visites.
« Ce n’est pas une mère »
Ces éléments tranchent avec les mots particulièrement durs de membres de la famille de Jimmy K. à l’encontre de la mère de Kévin. « Mon fils, je n’ai rien à lui reprocher, je suis persuadée qu’il n’a pas tué son enfant », aura notamment souligné la mère de l’accusé avant de reconnaître avoir eu connaissance des violences de son fils à l’encontre de ses compagnes successives. La suite ? « Elodie, son premier enfant, je l’ai fait placer, j’ai vu Elodie lui mettre une claque, le petit pleurait souvent et il passait ses journées dans son lit. (…) Cet enfant était maltraité. (…) Kévin, il aurait fallu le placer également. (…) Monsieur Koch va se faire avoir, Elodie, elle ne dit pas tout, elle pleure parce qu’elle est au tribunal. (…) J’étais très inquiète pour le bébé à naître. (…) Madame est très dure avec les enfants, ce n’est pas une mère ».
Dans le cadre du placement du premier fils d’Elodie, la mère de Jimmy avait fait état de mauvais comportements principalement imputés à son fils. « C’est faux, je n’ai jamais dit ça aux éducateurs ! »
Les racines du mal
Jimmy K. a eu une enfance et une adolescence difficiles (notre édition de demain). Plusieurs de ses sœurs auront confirmé les déclarations d’un accusé assurant avoir été victime de violences de la part de sa mère. « J’ai été frappé à coups de martinet et de latte de lit », a déclaré l’accusé. Des coups de martinet, oui, des coups de latte, seul l’accusé en parle. « Ce que j’ai subi est en lien avec ma violence, j’ai reproduit ce que j’ai vécu ».
Jimmy K. a interprété sont orientation vers Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) ou Institut médico-éducatif (IME) et autres placements comme « un abandon ». « Un juge a dit à ma mère “ Votre enfant ne vous appartient plus, il appartient à la justice ”, ça m’a marqué ». Souffrant d’une « légère déficience mentale et intellectuelle », l’accusé aurait, selon ses déclarations, été, a minima, moqué par des éducateurs. Il fut également fait état d’une agression sexuelle. Qui ? Comment ? « Je ne m’en souviens plus ». Une des sœurs de l’accusé fit état d’une agression commise par le fils de voisins lorsque Jimmy K. avait 6 ans. Les proches de l’accusé sont unanimes sur un point. Oui, l’accusé était violent. Avec des adultes. Mais frapper un enfant, aucun ne peut l’imaginer.
Dans le cadre d’un précédent dossier jugé en 2017, un expert psychiatre avait conclu à une altération du discernement de Jimmy K. Ce même professionnel aura écarté altération ou abolition dans le cadre d’une seconde expertise. Jimmy serait pleinement responsable de ses actes. La cour sera amenée, sur la base de différents éléments, à se prononcer quant à une éventuelle altération du discernement.
Le verdict est attendu ce vendredi 25 novembre. Accusé de violence par ascendant sur mineur de moins de 15 ans ayant entraîné la mort sans intention de la donner, l’accusé, en état de récidive, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Thomas Bougueliane
« Quelle indignité ! »
Monsieur l’avocat général Cecoltan portera l’accusation ce vendredi 25 novembre. S’en suivra la plaidoirie de la défense.
Jeudi 24 novembre au soir, Me Tribouley a su, au nom de la partie civile, au nom d’une mère éplorée, trouver les mots justes pour décrire la douleur d’une mère. « L’enfance représente l’innocence, un enfant est un être sans défense, la mort d’un enfant est toujours considérée comme injuste, un enfant représente la vie. (…) Toute une vie était promise à Kévin, Kévin est mort le 7 avril 2020 à 16 h 05. (…) Quand on embrasse la profession d’avocat, on embrasse la parole de ceux qui n’en ont pas, j’ai revêtu cette robe pour vous parler de Kévin et de sa mère. (…) Je ressens une profonde tristesse, j’ai gardé les photographies de ce nourrisson à côté de moi, j’ai de la tristesse pour cette mère, pour le frère de Kévin également, mais je ressens de la colère envers ce père au comportement indigne. Monsieur peut être dans le déni, je peux l’admettre, mais comment peut-on admettre voir un homme sourire quand on parle de la mort de son enfant ? Monsieur toise madame, y compris lorsqu’il s’agit des conclusions de l’autopsie de son bébé, monsieur me toise quand je le croise, sans montrer la moindre émotion hormis quand on parle de sa vie. (…) Monsieur n’a pas hésité à accuser la mère de Kévin alors que les experts la mettent hors de cause (notre édition du jeudi 24 novembre). Monsieur, ce n’est pas un jeu, ce n’est pas une partie de poker, vous avez commis l’irréparable, vous avez donné la mort à votre enfant. Le 3 avril 2020, vous avez condamné votre bébé à mort, avec vos grosses mains. Les experts sont unanimes, ce qu’ils ont pu décrire, j’appelle ça de l’acharnement, ce bébé a connu l’enfer, vous avez de la chance de ne pas avoir été poursuivi pour meurtre », aura tonné Me Tribouley avant de rappeler les multiples lésions décrites par quatre experts.
« Des aides et un peu de black »
Me Tribouley pouvait poursuivre. « Oui monsieur K. a eu une enfance difficile, mais ça n’explique rien ! (…) Cet enfant en excellente santé n’a pas eu le droit de vivre parce que ses pleurs ont énervé son père ! Ce bébé est mort dans les bras de sa maman, c’est cet amour qui donne le courage à cette femme d’être présente dans cette salle. (…) Le travail, pour monsieur, c’était bricoler, il vivait des aides et d’un peu de black, mais dans les faits, c’est son enfant qui souffrait d’absence de chauffage à la maison, de l’absence de lait infantile. (…) Madame a subi les accusations de la famille K. avant d’être accusée par monsieur, quelle indignité ! Vous n’avez rien compris, oui monsieur, vous avez tué Kévin, vous avez condamné votre enfant et condamné sa mère à perpétuité. (…) Vous dites avoir été victime de violences lorsque vous étiez enfant, mais vous avez imposé la même chose à vos compagnes et bien pire à votre fils. Madame n’a pas eu le courage de partir et ça a coûté la vie à son fils. (…) Non monsieur, ce procès, ce n’est pas un jeu, il n’y aura pas de gagnant, il n’y aura que des perdants, mais il y aura une justice pour Kévin ! »