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“Bâtiment 5”, maladroit de cité

« Bâtiment 5 » de Ladj Ly, avec Anta Diaw, Alexis Manenti, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu… 1 h 41.

CRITIQUE. Quatre ans après “Les Misérables”, Ladj Ly en propose une continuation avec “Bâtiment 5”. Même décorum, même sous-texte politique, même minutie dans la réalisation. Le film, loin d’être de mauvaise facture, ne peut malheureusement que pâtir de l’ombre de son glorieux aîné.

C’est facile de comparer. En quelques arguments, souvent jetés à la volée, nous mettons en face à face deux œuvres pour déterminer laquelle nous préférons. Forcément, amorcer la critique d’un long-métrage en en ayant un autre en tête a tous les risques de parasiter notre ressenti. Pourtant, en regardant “Bâtiment 5”, le nouveau film de Ladj Ly, difficile de ne pas avoir “Les Misérables”, monument du cinéma français que le réalisateur nous a offert en 2019, dans un coin de l’esprit.

Impossible de ne pas voir que le film actuellement en salles ne tient pas la comparaison. Non pas qu’il soit mauvais, loin de là. Simplement, Ladj Ly a frappé si fort avec son coup d’essai que les attentes autour de son deuxième long étaient immenses. Et, oui, “Bâtiment 5”, c’est moins bien.

L’action de “Bâtiment 5” prend place dans la cité des Bosquets, quelque part en Seine-Saint-Denis. Après la mort du maire historique d’une crise cardiaque, un nouvel édile, Pierre Forges, est propulsé par son parti à la tête de la ville. Ce dernier, opportuniste couard à tendance réactionnaire, incarné savamment par Alexis Manenti, veut réaménager le quartier. Problème, pour ce faire, il faudra abattre le bâtiment 5, où habite – notamment – Haby Keita, jeune femme révoltée aux grandes aspirations, qu’Anta Diaw incarne à merveille. L’élu usera de tous les vices pour parvenir à ses fins, quitte à aller beaucoup trop loin.

Raconter par l’image

Il y a, dans la réalisation de Ladj Ly, une finesse fort appropriée. Le metteur en scène raconte ses histoires par l’image, plus que par le dialogue. En découle des plans prodigieux. Vous voulez sentir la promiscuité ? On vous montre le difficile parcours de porteurs de cercueil dans un escalier sombre et encombré. Vous voulez voir la précarité ? On voit un personnage en train de raccorder des câbles dénudés directement au compteur électrique pour faire fonctionner une imprimante. C’est, à chaque fois, rudement bien pensé. En d’autres termes, Ladj Ly ne nous prend pas pour des idiots. Ça fait plaisir.

Le pendant de cette image sublime est, forcément, une carence dans la construction des personnages. Leur profondeur point, mais n’est qu’effleurée. Les événements en poussent certains à la rupture, on aura de la compassion pour le jeune Blaz (Aristote Luyindula), on rira jaune devant la malice politicienne du premier adjoint municipal Roger Roche (Steve Tientcheu), la candeur tout en calculs de Nathalie Forges (Aurélia Petit) nous irritera. Mais nous n’en verrons pas trop, même pas assez. Et le bât blesse aussi pour les deux personnages principaux, Haby Keita et Pierre Forges, un chouïa trop survolés.

Des airs de déjà-vu

Ladj Ly ne ripoline pas ses idées avec “Bâtiment 5”. La solidarité des habitants en cité, face à l’abandon de État, est joliment montrée. La quasi-impossibilité du dialogue avec une police bornée est criante de vérité. Tout, dans ce film, sent le réel. Certaines scènes – à couper le souffle d’un point de vue technique – sont glaçantes, mais il manque au film du grandiose ou de l’intime pour s’élever au rang de son imposant précédent, “Les Misérables”.

C’est le problème, lorsqu’on a mis la barre à une telle hauteur avec son premier film. Le deuxième ne peut, sauf miracle, que décevoir. La solution, pour éviter cela, est peut-être de changer radicalement de paradigme, d’aller ailleurs, d’explorer un autre environnement. Bien que louable, la volonté de Ladj Ly de rester dans un même cadre, avec une histoire différente certes, mais sans vraiment changer d’ambiance, tire “Bâtiment 5” vers le bas. Pas de quoi, rassurez-vous, le faire s’effondrer. 

Dorian Lacour

d.lacour@jhm.fr

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