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Avoir 20 ans en Chine en 1990

“Jeune Babylone” est le premier volet d’une trilogie traduite par Johanna Gayde et parue chez Actes Sud. Roman d’apprentissage qui offre de la société une vision désabusée corrigée par un humour décapant et qui situe l’intrigue dans la ville imaginaire de Daicheng près de Shanghai.

Lu Nei, né en 1973, a enchaîné dans sa jeunesse de multiples petits métiers pour vivre : ouvrier, représentant, vendeur, gardien… Plus tard, il est devenu écrivain et est aujourd’hui considéré comme l’un des auteurs les plus talentueux de sa génération. Il campe dans ce roman, un personnage central, appelé Lu Xialu dont il fait son alter ego et le témoin d’une période de profonds changements.

Lu Xialu n’est pas né à la bonne époque ! Celle où les travailleurs étaient glorifiés, où les ouvriers étaient considérés comme les fers de lance du régime communiste. En 1990, La Chine est en pleine mutation et connait une période de reconversion économique et industrielle sous la houlette de Deng Xiaoping : partout fermetures d’usines devenues obsolètes, licenciements. Liu Xiaolu vient d’être recalé au concours d’entrée à l’université et n’a pas d’autres choix que d’accepter que son père le recommande dans l’usine de saccharine où il travaille. Peu motivé, contemplatif et rêveur, il exerce son métier sans intérêt, avec le projet d’en faire le moins possible, de séduire les filles, d’éviter les complications et de «devenir cadre pour passer du temps au bureau à lire des journaux en sirotant du thé». Mais le travail est très dur physiquement, «l’usine est vétuste, infestée de rats, les effets de la pollution sont dévastateurs, les accidents multiples».

Un roman picaresque

L’art de l’écrivain est de transformer ce cadre dramatique en une épopée joyeuse. Lu Xialu et ses copains, «les petites frappes du lumpenprolétariat» ont fort à faire, il faut à la fois se défendre physiquement pour se faire respecter de ses congénères tout en se soumettant à un pouvoir hiérarchique fort et sans état d’âme, friand de sanctions : «Les camps de rééducation dont tu ne peux plus sortir, ça faisait flipper tout le monde»… Les épisodes désopilants et truculents se succèdent, témoignant de la vitalité de cette jeunesse sans avenir qui dépensait son énergie en rivalités professionnelles ou amoureuses et en grosses farces. «C’était ça être ouvrier, arriver à la bourre, filer avant l’heure, passer par-dessus le mur, jurer comme un charretier, tous les ouvriers faisaient ce genre de conneries»…

Le tout raconté avec verve dans un langage oralisé et trivial, truffé de termes d’argot, véritable casse-tête pour la traductrice sans doute mais qui donne au récit sa couleur de comédie. Lu Nei confie à quel point écrire des romans sur ce qu’il a vécu, témoigner d’une époque de profonde transformations sociales, lui a paru nécessaire : «Je pensais que si je ne confiais tout ça à personne avant la fin de la trentaine, ce serait comme une porte se refermant en silence dans l’obscurité».

De notre correspondant Françoise Ramillon

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