Avec une mission de service public, mais sans téléphone
Si les nouveaux locaux du Conseil de l’Ordre des médecins restent à inaugurer, ils sont déjà investis. Gardien de la déontologie de la profession, sans la protéger au nom de la corporation, il a une mission de service public. Or, il est privé de téléphone et d’Internet.
« Notre informaticien avait prévu le transfert le 7 juillet ». Trésorier au Conseil de l’Ordre, le Dr Jean Thévenot précise que ce dernier avait anticipé. Programmant le transfert de ligne « un mois à l’avance » : avec les meubles, les contacts téléphoniques des docteurs et Internet allaient suivre à coup sûr. Le calendrier paraît d’abord se déplier comme envisagé : « le 10 juillet, un prestataire d’Orange est venu le matin ». En revanche, son technicien s’est déplacé « pour le seul Ordre des médecins » quand les locaux abritent conjointement celui des masseurs kinésithérapeutes. « Il nous a indiqué revenir l’après-midi pour leur raccordement… et puis non, on ne l’a plus vu ». Le technicien n’a pas prévenu, non plus. Le Conseil de l’Ordre des médecins est un des clients « pros » d’Orange… Autre curiosité : il bénéficiait de la fibre dans ses anciens locaux. Sans doute est-ce pour l’heure inenvisageable à la nouvelle adresse puisque « Orange pro nous a averti à plusieurs reprises (que leur prestataire) allait se déplacer pour installer l’ADSL ». Rendez-vous est de nouveau fixé le 26 juillet. « Il est reporté sans excuse ». Puis un autre est pris, le 31 juillet. Qui connaît le même sort.
Opérateur injoignable
« Le 2 août, on est venu nous installer une deuxième ligne ». Au seul usage des médecins, à l’usage des kinés, rien n’est programmé. Aujourd’hui encore, ceux-ci utilisent un partage de connexion via le mobile d’une secrétaire pour accéder au web. Côté Ordre des médecins, rien ne fonctionne. On s’arrange toujours tant bien que mal avec un domino qu’on avait pris soin de demander à l’opérateur. « Ce numéro n’est pas attribué ». C’est le message qu’on entend, le 3 août, en composant le numéro de téléphone fixe de l’Ordre. En composant celui de sa ligne fixe provisoire aussi – à la nouvelle adresse, une bascule de l’ADSL à la fibre a déjà été prévue par l’opérateur. Avec la secrétaire de l’Ordre, le Dr Thévenot essaie de trouver un interlocuteur au « 3901 », avec une obstination déconcertante. Malgré l’offre « pro », il entend un message familier à tous ceux qui atterrissent sur un répondeur automatique, censé comprendre des mots-clés pour nous diriger vers l’employé qui va bien : « je n’ai pas bien entendu votre demande… », réplique une voix au ton mécanique. Une fois la demande reformulée, le « temps d’attente est estimé à moins de 9 mn ». Elles se sont écoulées depuis longtemps quand, brusquement, la communication coupe.
Ubuesque
Et alors, quoi de neuf ? Eh bien la différence entre les tourments du Conseil de l’Ordre et ceux des utilisateurs particuliers, c’est qu’il « a une mission de service public ». Il communique, via l’accès à une plate-forme commune, avec la préfecture, notamment pour fixer le planning des gardes. « Or, s’il y a des trous, celle-ci procède à des réquisitions ». Cinq secteurs géographiques sont dessinés en Haute-Marne, et un sixième est dévolu au REGULIB 52, « pour la régulation libérale à domicile ». De sorte que si au 15, on reçoit un appel qui relève des compétences d’un médecin généraliste, on le redirige vers ce secteur à part. Bref, il est rigoureusement fantaisiste de croire que le Conseil de l’Ordre puisse être coupé du monde. Pour sa part, le Dr Thévenot a dépensé environ 15 h de son temps à tenter de joindre l’opérateur, qui, lorsqu’un contact a été établi, a de surcroît délivré des « indications contradictoires ». Sur les horaires de passage des techniciens qu’il dépêchait, sur le temps nécessaire à leur intervention. À chaque rendez-vous fixé, la « présence » du client avait été qualifiée d’ « indispensable ». Un jour, l’informaticien de l’institution « les a tenus une matinée au téléphone ». Celui-ci a juré qu’il resterait en ligne jusqu’à ce qu’ « un » veuille bien lui parler. Sauf à ce qu’on le renseigne sur les tarifs de la concurrence… L’informaticien a fini par avoir ledit responsable au bout du fil. Qui a évité les questions. Et puis au revoir.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr