Avec deux bouts (1/2)
On les piétine depuis toujours, on en trouve dans toutes les cuisines et tous les potagers. Elles ornent les plus beaux volumes de nos bibliothèques et bien des sportifs ne peuvent s’en passer.. Ce sont, ce sont…
Ce sont les planches, bien sûr. Une longue histoire… mais pas très large. Les dictionnaires contemporains définissent la planche comme une pièce de bois rectangulaire (plutôt parallélépipédique, d’ailleurs), dont la longueur surtout, et la largeur sont très supérieures à l’épaisseur. C’est clair.
Quand on demande aux Français ce que le mot leur évoque, ils pensent d’abord aux outils du quotidien : la planche à découper (28 %), puis la planche à pain (25 %) avant la planche à repasser (19 %). La planche à laver et sa surface ondulée ne sont plus de mise, mais les musiciens américains l’avaient déjà recyclée en washboard, qu’on croise trop rarement dans les groupes de jazz : une batterie portable dont on joue avec des dés à coudre au bout des doigts.
Planche de pierre
A l’origine étaient les rondins, phalanx (phalangos) chez les Grecs, planca (palanca, ou palanga) en latin. La famille s’est agrandie. La planca latine pouvait être tirée du bois, mais sa version en pierre servait de table, notamment de table de cuisson. La plancha espagnole nous est d’ailleurs revenue avec ce sens. Etymologiquement, la planche est une cousine du palançon, pièce de bois qui arme les torchis, de la palanche, morceau de bois rond posé sur l’épaule et permettant de porter deux fardeaux, et des phalanges qui composent nos mains. Les Sumériens, 300 ans avant J.-C. utilisaient des lignes transversales de fantassins lourdement armés, nommées phalanges. L’évolution de cette formation et du terme nous mène jusqu’aux phalanstères, groupements communautaires prônés par l’utopiste Charles Fourier (1772-1837) et à la phalange espagnole de sinistre réputation dans les années 1930.
Solive ou merrain
Et la planche dans tout ça ? Attention, n’est pas planche qui veut… De nos jours, on parle de feuillet ou de planchette pour une épaisseur de 4 à 22 mm, de planche entre 22 et 55 mm, puis de plateau ou plot au-delà. C’est le sciage, tout un art, qui va baptiser les morceaux de bois : doublette, bastaing, volige, madrier, solive, tablette, bardeau, douve, lambourde, lame, latte… La planche est un parallélépipède allongé, mais les sections carrées, ou presque carrées, comme le chevron, le liteau ou le tasseau ne font pas partie de la famille, pas plus que les moulures (plinthe, champlat, baguette…) à la géométrie modifiée. Quant au merrain, il est une planche obtenue par fendage de billons de chêne soigneusement sélectionnés, puis séchée avant d’être transformée en douelle par l’habile tonnelier.
Avec table des planches
Les Chinois ont utilisé dès le VIIe siècle la gravure sur bois, apparue en Europe du Nord seulement au XIVe siècle. Le terme de planche, tout à fait adapté à la xylographie (écriture sur bois), a suivi l’évolution des procédés comme la gravure sur métal et la lithographie. L’œuvre reproduite sur papier grâce à la “planche” gravée, fût-elle en cuivre rouge ou en pierre, va, elle aussi, prendre le nom, par métonymie. Ainsi, l’Encyclopédie dite “de Diderot et d’Alembert” parue entre 1750 et 1780 compte 21 volumes de texte et pas moins de douze volumes de planches (près de 3000), elles-mêmes composées de figures légendées. Au XIXe, le terme est plutôt réservé aux images documentaires, le mot “gravure” étant généralement préféré pour les illustrations dans les romans et recueils de textes. La bande dessinée a naturellement suivi le mouvement, et les planches originales des grands auteurs, peaufinées sur leurs planches à dessin, valent parfois des fortunes.
De notre correspondant
