Aurélie Caquas, la brasseuse en or de Beurville
A Beurville, à quelques kilomètres de la frontière auboise, Aurélie Caquas a lancé, voici deux ans presque jour pour jour, la brasserie Burris’. Son savoir-faire a déjà tapé dans l’œil du jury au Salon de l’agriculture. Sa bière à la framboise y a reçu une médaille d’or. Rencontre.
« Médaillée d’or au concours général des produits, catégorie ‘‘bières aux fruits rouges’’. Félicitations ! ». Quand Aurélie Caquas a ouvert sa messagerie au lendemain de son retour du Salon de l’agriculture, à Paris, elle a d’abord cru à une blague. Elle qui avait regardé la veille les résultats du concours n’avait pas vu apparaître sa bière à la framboise parmi les lauréats 2023.
Les honneurs, la lumière, ce n’est de toute façon pas pour elle, croit-elle de manière plus générale, entre modestie et manque d’assurance. C’est que la gérante de la brasserie Burris’ n’avait tout simplement pas regardé… dans la bonne case. « C’est une sacrée surprise », raconte-t-elle. « J’avais engagé deux de mes bières, l’ambrée et la framboise et, à vrai dire, je misais un peu plus sur l’ambrée. »
Lancée il y a deux ans, presque jour pour jour, la brasserie Burris’ n’aura donc pas traîné pour se faire remarquer. Installée dans un local de 150 m2, entièrement réaménagé pendant le Covid, Aurélie Caquas mène sa barque. Sa discrétion n’entame pas son audace. Elle qui a suivi des études de médiation culturelle, en vue de travailler à l’organisation de festivals, a opéré un virage à 360°C pour reprendre la ferme familiale.
La diversification pour trouver l’équilibre
« J’ai pris la relève de mon papa par défaut. Rien ne m’y prédisposait. Je suis retournée à l’école pour décrocher un bac agricole et je me suis d’abord associée à mon père avant qu’il ne prenne sa retraite. Il continue à m’aider », raconte-t-elle. L’exploitation mêle céréales et élevage. « On compte 130 à 140 bêtes, des charolaises. C’est un gros travail », poursuit-elle.
Mais pour trouver l’équilibre, Aurélie Caquas a fait le choix, comme beaucoup de ses confrères et consœurs, de diversifier l’activité. « Comme on cultive l’orge, je me suis dit qu’on pourrait mieux l’exploiter, de sa production à sa transformation », se souvient-elle. Et c’est ainsi que, tambour battant, elle débute la transformation des lieux, patrimoine familial, pour donner naissance à la brasserie Burris’, clin d’oeil à l’ancien nom du village « Burrisvilla ».
« Ici, c’était la ferme de mon grand-père, côté maternel. L’habitation inoccupée, attenante à ce qui est devenue la brasserie, était la maison de mémère Claire, mon arrière-grand-mère maternelle, chez qui je venais souvent. Je suis attachée à ces lieux et fière d’y travailler ».
Une lente infusion de framboises
Son premier brassin fut mémorable. Douze heures de travail et une Aurélie Caquas trempée de la tête aux pieds, faute d’avoir bien pris le soin de fermer les vannes. L’apprentissage du métier, en somme. On était en tout cas bien loin d’imaginer une bière médaillée d’or à Paris.
Aurélie Caquas n’est pas genre à renoncer. Et les idées bien claires, elle accélère même la cadence question créativité. Si l’orge est maltée à l’IFBM (Institut Français des boissons, de la Brasserie et de la Malterie), à côté de Nancy, c’est ensuite à Beurville que tout se passe. « Pour fabriquer une bière, il faut environ un mois et demi », note-t-elle.
Bière blanche, triple, ambrée, jusqu’ici, rien d’inédit. « Mais j’ai voulu tester les bières aromatisées, aux fruits ». C’est là qu’arrive la bière à la framboise. « Pas celle qu’on achète en supermarché, très sucrée », coupe-t-elle. Aurélie Caquas choisit le naturel. Pas de sirop, mais une lente infusion de vraies framboises. « J’ai aussi essayé la bière à la cerise. J’ai eu le malheur de l’annoncer sur les réseaux sociaux avant sa sortie. Or elle est juste imbuvable ! », se marre-t-elle. Il n’y aura pas de mise en bouteille. « Je dois retravailler toute la recette ».
Même une bière au… potiron
En revanche, la gérante ne s’est pas trompée en élaborant sa bière barbecue. Mélange de malt fumé, d’origan et d’herbes de Provence, elle n’est pas encore totalement à son goût mais le résultat est satisfaisant. Idem pour celle au… potiron, élaborée pour Halloween. « C’est aussi ce qui me plaît : inventer des recettes, tester, goûter et proposer des produits un peu différents », confie-t-elle.
Pas de prise de risque, Aurélie Caquas limite son brassin à 30 litres. Ses bières « exotiques » sont saisonnières, éphémères. « Mais de manière générale, la bière, c’est toute l’année : à la Saint-Valentin, à la saint-Patrick, sur les marchés de producteurs ou encore à la fête des Sorcières ou de la bière », poursuit-elle.
Aujourd’hui, Aurélie Caquas produit 80 hectolitres à l’année. Insuffisant pour se dégager un vrai salaire. Il faudrait atteindre les 130 hectolitres pour bien faire, un objectif qu’elle s’est fixé pour l’année à venir. La vitrine précieuse offerte à son entreprise à l’occasion du Salon de l’agriculture devrait l’aider à l’atteindre. Se faire connaître en milieu rural n’est pas toujours chose aisée. A Paris, Aurélie Caquas a rencontré des visiteurs venus de Haute-Marne, à 7 km de sa brasserie, qui en ignoraient l’existence. Les bonnes enseignes ne sont pas toujours aussi loin de chez soi qu’on le pense.
Delphine Catalifaud