Au Pied de la Roche : Le Bistrot de Pays de Viéville au pied du mur
Le Bistrot de Pays de Viéville, “Au Pied de la Roche”, est dans une situation très délicate. Très impacté par les conséquences de la pandémie, le multiservice ne peut plus fonctionner comme avant et ses recettes sont loin de couvrir ses dépenses. Malheureusement, en gestion communale, il ne peut bénéficier d’aucune aide.
« Tout le monde est aidé sauf nous ! » Audrey Duhoux, maire de Viéville, est plus qu’inquiète. Le Bistrot de pays situé dans sa commune, a été, comme beaucoup d’autres établissements, très impacté par les confinements successifs et les mesures sanitaires drastiques à appliquer.
Mais, contrairement à d’autres, Au Pied de la Roche, ouvert en 2014, n’a encore bénéficié d’aucune aide, ni pour les charges de fonctionnement, ni pour celles de personnel. Pourquoi ? Tout simplement à cause de son mode de gestion.
« Suite à une carence du privé, la commune a repris le multiservice. Nous voulions garder le restaurant, qui faisait les plats de la cantine, ainsi que le bar, mais nous avions énormément de difficultés à trouver un gérant », souligne Audrey Duhoux. Une gestion communale, sous le statut Spic, service public industriel et commercial, semblait alors la meilleure des solutions.
Il s’agit d’une forme de gestion de service public mais soumis aux règles de droit privé. « Nous exploitons l’établissement dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Les modalités d’organisation et de fonctionnement sont similaires », explique Mélanie Vachet, secrétaire de mairie, en charge également du Bistrot.
Gestion communale mais régie privée
Ce commerce est divisé en plusieurs pôles, une épicerie avec dépôt de pain, quelques produits locaux, des produits frais comme de la charcuterie à la coupe et de premières nécessités, un bar, lieu de vie ouvert 7j/7, même les jours fériés, et un restaurant, réduit aujourd’hui à la vente à emporter en fin de semaine. Pizza, bruschetta et plat unique sont proposés les vendredi et samedi.
Au Pied de la Roche est géré en régie, avec un budget annexe autonome. Il doit s’équilibrer entre dépenses et recettes et il est indépendant du budget de la collectivité. Il dispose de son propre compte et est soumis aux mêmes règles d’assujettissement à la TVA.
Malgré tout, son numéro Siret reste le même que celui de la mairie. Et c’est là que le bât blesse, car aucune aide prévue dans le cadre de la crise sanitaire ne s’adresse aux collectivités. En tant que Spic, le Bistrot ne semble avoir aucun recours possible afin de bénéficier de aides prévues pour les entreprises frappées par une fermeture administrative ou une restriction d’ouverture. Fonds de solidarité, GIP, exonération ou remise de cotisations sociales, prise en charge de l’activité partielle… Rien. Au pied de la Roche n’a droit à rien.
50€ par jour
Pourtant, si le personnel dirigeant est nommé par la collectivité sous le régime fonctionnaire, le recrutement du personnel dépend du droit privé pour l’activité commerciale. En clair, deux agents polyvalents sont en CDI et soumis aux mêmes droits (contrats, congés, salaires…) que tous les personnels dépendant de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants. Des salariés comme les autres. Là encore, cela ne semble pas suffire.
Ainsi, chaque mois, 6 800 € de charge de personnel sortent. Mais, à peine 50 à 80 € par jour rentrent (300 € un bon samedi). Le calcul est vite fait. Cela ne suffit pas à équilibrer un budget, d’autant plus qu’il faut aussi prendre en compte les dépenses de fonctionnement et d’achats de marchandises.
Conserver le lien social
« Notre objectif est vraiment de maintenir le côté traiteur et plat le week-end ainsi que le bar et l’épicerie tous les jours. c’est important pour conserver un lien social avec la population. Parfois, la vendeuse est la seule personne à qui un senior va parler dans la journée. Qu’importe le temps qu’il fait, ils viennent chercher leur baguette de pain. « Et quand les vendeuses ne voient pas les habitués, elles prennent aussitôt de leurs nouvelles. Viéville, c’est une grande famille. » Alors que faire ?
« On a tout essayé, on a frappé à toutes les portes et on ne voit pas comment s’en sortir. » C’est l’incompréhension et la désillusion à la mairie. « Entre les deux confinements, les gens ont joué le jeu. Il y a eu un véritable esprit de solidarité. Là, ils ne peuvent même plus être solidaires, car ce n’est plus ouvert ! »
Café solidaire
Avec difficulté, l’établissement a pu entrer dans le dispositif “Café solidaire”, une opération lancée par la Région qui permet à chacun de faire un don, en ligne. Don qui sera doublé par la Région. 1 258 € ont déjà été récoltés. Pour le moment, ce sera le seul coup de pouce dont bénéficiera le Bistrot.
«Comment accepter cette injustice d’inégalité des aides attribuées ? Doit-on se laisser mourir et fermer notre commerce de proximité, lieu de vie sociale important dans nos petits villages ruraux ? Doit-on tous aller dans les grandes surfaces où le virus circule sans gestes barrières alors qu’au bar et au restaurant nous appliquions les gestes imposés ? D’autant plus qu’au vu de la situation actuelle le virus circule toujours et ce n’est pas à cause de nous, cafetiers et restaurateurs. »
Julie Arnoux
Pour soutenir le Bistrot Au Pied de la Roche, allez sur www.maregiondemain.fr, rubrique “Café solidaire”. Chaque don sera doublé par la Région.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 70 à 80% de perte du CA en novembre et décembre 2020
Le chiffre d’affaires du Bistrot de Pays est passé de 234 000 € HT en 2019, à 171 000 € HT en 2020. En novembre et décembre, il y a eu 70 et 80 % de perte. « On finit 2020 avec 60 841,42 € en moins, avec à peine 3 000 € en décembre, alors que la recette était de 18 000 € en 2019 », s’attristent Audrey Duhoux et Mélanie Vachet. L’année ne commence pas mieux avec 1 700 € à la mi-janvier, alors qu’en 2020, deux mois avant le confinement, le commerce avait encaissé 22 000 € de recette. Même en doublant les recettes, on est loin des 6 800 € de charges de personnel. Les recettes ne permettent plus de couvrir les dépenses salariales. Les prestations traiteur pour les soirées, mariage et repas comité d’entreprise fonctionnaient bien. Tout est tombé à l’eau depuis. Et le couvre-feu, à 18h, n’a rien arrangé, au contraire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La situation devient dramatique.