Au coup par coup – L’édito de Christophe Bonnefoy
Policier. Peut-être la profession qui pourrait poser les mots les plus justes pour définir l’ascenseur émotionnel. « Je suis Charlie », quelque part un peu le slogan qui les érigea en héros au moment des attentats, en janvier puis novembre 2015. On se souvient des haies d’honneur, très émouvantes ; un merci sincère à leur action. Bienvenue désormais en 2018. La cible privilégiée des casseurs lors des manifestations de Gilets jaunes. En représentants de l’Etat, les hommes à abattre, quasiment. Au point de faire craindre au ministre de l’Intérieur que certains extrémistes puissent céder à la tentation d’attenter à leur vie.
Mais pour faire simple, les policiers – les forces de l’ordre en général – sont des humains. Ne sont que des humains, pourrait-on dire. Eux aussi prétendent à juste titre pouvoir vivre décemment de leur travail.
Leurs arriérés d’heures supplémentaires sont à ce titre ahurissants. Ils ne se comptent pas en semaines, ni en mois, mais en années. En résumé : une situation intenable, mais que leur statut même les obligeait à accepter, sans rien dire. Les dernières semaines auront pourtant eu raison de leur patience. Ou quand, tout simplement, le vase ne peut plus artificiellement contenir la moindre goutte d’eau supplémentaire.
Reste maintenant au gouvernement à assurer ses arrières. Après avoir cédé en partie aux Gilets jaunes, voilà qu’il se voit dans l’obligation d’accorder des augmentations aux policiers (la question des heures supplémentaires viendra plus tard). Il faudrait être naïf pour ne pas imaginer d’autres catégories monter maintenant au créneau. On pense forcément aux fonctionnaires, qui ont d’ores et déjà commencé à faire entendre leur voix. Bon an mal an, l’Etat gère les conflits au coup par coup. Mais les esprits sont visiblement loin d’être apaisés. Les Gilets jaunes n’étaient peut-être que l’infime partie visible de l’iceberg.