Un sex-shop au cœur du quartier pavillonnaire…
À l’heure de la dématérialisation du commerce, les sex-shops physiques semblent peiner à tenir la cadence, surtout en province. Mais à Saint-Dizier, un irréductible fait mentir la tendance. jhm quotidien a poussé la porte de ce lieu discret.
Si nous ne l’avions pas su, nous l’aurions manqué. C’est dans une rue pavillonnaire des Ajots, niché au rez-de-chaussée d’une maison d’habitation seulement trahie par un grand drapeau arc-en-ciel et des insignes lumineux, que se trouve Crazy Plaisir, le seul sex-shop physique de Haute-Marne. « Ce n’était pas prévu. J’ai toujours été dans la vente directe, et lors d’une soirée des amies m’ont dit que je devrais vendre des sex-toys », se souvient Jordan, 28 ans, patron du commerce.
Au départ seulement dans la vente en ligne, c’est une erreur de référencement sur les moteurs de recherche qui l’a poussé à ouvrir une boutique physique. « Quand j’ai vu des personnes arriver devant la maison pour acheter des objets, je me suis dit qu’il fallait que je me lance », s’amuse le gérant. Un investissement conséquent – environ 25 000 € répartis en deux ans et demi – plus tard, nous voilà, jeudi 1er février, dans ce qui ressemble à s’y méprendre à un commerce de centre-ville. De l’intérieur, uniquement, car « nous accueillons des clients discrets ».
Sex-shop en bonne santé
Veste et pantalon en jean déchirés, barbe de trois jours et cheveux gominés, Jordan a le rire aisé. Il enchaîne les grosses journées, mais semble ravi. Et pour cause, le commerce se porte – très – bien, enregistrant entre 200 et 250 passages mensuels. Il faut, pour chacun, comprendre ce qu’ils recherchent. « C’est beaucoup d’écoute, pour bien conseiller. Le but ce n’est pas que quelqu’un reparte avec 1 000 € de sex-toys », promet Jordan. Le consentement est toujours au centre des discussions, sans jugement sur les pratiques ni les orientations sexuelles.
Trois pièces composent la boutique, dont une salle technique où, depuis quelques semaines, des piercings sont posés. « C’est trop tôt pour avoir du recul sur cette activité, mais sur un mois, c’est plutôt très bon », certifie Jordan, qui a multiplié les formations pour pouvoir percer des clients demandeurs. L’ambiance y est d’ailleurs bien plus formelle que le reste de la boutique. Oubliez les cabines de visionnage, seul aspect du sex-shop “à l’ancienne” qui ne semble pas pouvoir résister à Internet.
Pour le reste, les clients viennent des quatre coins de la Haute-Marne, mais aussi des départements voisins, voire de plus loin. De quoi donner des envies de se développer ? « J’ai pas mal de projets, comme ouvrir d’autres sex-shops, mais celui-ci ne bougera jamais. Si je déménage dans le centre-ville de Saint-Dizier ou au Chêne Saint-Amand, c’est fini pour moi », assure Jordan. Ne pas briller de mille feux dans une artère commerçante, c’est le propre d’un commerce discret.
Vie diurne
Quelque chose chagrine quand même Jordan. « À la base, un sex-shop vit la nuit. On décide de vivre la journée parce que Saint-Dizier vit la journée. C’est comme ça… », souffle-t-il.
Le bouche-à-oreille, et un bon référencement sur les moteurs de recherche, font qu’il ne se soucie pas de la concurrence des géants du e-commerce. « Il y a besoin d’un magasin comme ça à Saint-Dizier », sourit Jordan. Les chiffres parlent pour lui.
Dorian Lacour