Artificialisation des sols : « Il faut s’adapter »
Julien Fosse, président du Centre Inrae Hauts-de-France animera au théâtre, jeudi 29 février, une conférence sur la lutte contre l’artificialisation des sols. Une bataille qui, selon le chercheur, se révèle bien complexe à mener sur le terrain. Entretien.
Depuis des années, elles s’étendent. Les villes de l’Hexagone grappillent le moindre lopin de terre pour bâtir, tracer des routes en espérant améliorer leur situation socioéconomique. À l’échelle bragarde, sont par exemple sortis de terre la zone commerciale du Chêne-Saint-Amand ou encore à l’opposé de là, la zone de référence. On appelle ça l’artificialisation des sols. Un phénomène auquel s’intéressera Julien Fosse, président du Centre Inrae* Hauts-de-France, lors d’une conférence dédiée, programmée ce jeudi 29 février, au théâtre. Avant cela, il a accepté de nous en dire plus à ce sujet.
Jhm quotidien : Votre conférence s’intitule « Les défis de la lutte contre l’artificialisation des sols ». Quels sont les enjeux qui lui sont associés ?
Julien Fosse : Il y a deux grands enjeux majeurs. Le premier est celui du changement climatique puisque les espaces naturels, agricoles et forestiers sont des puits de carbone. Plus on préserve des terres, plus on a de végétation dessus et plus on contribue à limiter les effets du changement climatique. L’autre est celui de la préservation de la biodiversité parce que ça permet de préserver les écosystèmes et tous les services qu’ils rendent à l’homme : la régulation des eaux, d’un certain nombre d’agents pathogènes… On a aussi un troisième enjeu non négligeable qui est celui économique. Derrière l’artificialisation des terres, vous avez des conflits d’usage entre la préservation d’espaces agricoles et l’utilisation de celles-ci pour construire des logements ou des entreprises.
Jhm quotidien : Est-ce que pour vous, il faudrait stopper ce phénomène ou plutôt le réguler ?
J. F : Arrêter totalement toute artificialisation, ce n’est pas possible. Tout simplement parce qu’on a une croissance démographique, des besoins en logements… En revanche, faire en sorte de mieux consommer les terres qu’on va artificialiser en ayant des constructions qui sont plus denses, plus sobres en consommation d’espaces, c’est un point important. Et puis on peut aussi la compenser, car on a des espaces qui ont été artificialisés, qui ont été abandonnés et sur lesquels la nature pourrait reprendre sa place.
Jhm quotidien : La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050, pensez-vous que ce soit un bon levier pour parvenir à une certaine régulation ?
J.F : L’objectif zéro artificialisation nette est un objectif indispensable parce qu’on a le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité… Il faut qu’on agisse. Après la difficulté, c’est comment on adapte cet objectif aux réalités concrètes de terrain. La complexité de sa mise en œuvre dépend de la manière dont les collectivités locales vont pouvoir s’en emparer.
Jhm quotidien : Le plus dur est donc de passer de la théorie à la pratique… Comment ça se passe dans votre région ?
J.F : Les préfectures de région ont défini les grands objectifs au niveau régional qui doivent être ensuite déclinés au niveau des territoires. Ça rentre progressivement dans les mœurs et dans les objectifs des plans locaux d’urbanisme. Mais il faut à la fois un changement de mentalité des élus – Ils sont souvent dans une logique de bâtisseurs et considèrent qu’il faut développer massivement les logements pour être attractifs – et à la fois des ménages pour se dire qu’il y a peut-être d’autres modèles à développer, que le pavillon individuel avec un grand jardin va être très consommateur de terre.
Jhm quotidien : Comment percevez-vous l’avenir par rapport à cette lutte contre l’artificialisation des sols ?
On n’a pas le choix. Il faut s’adapter à tous ces grands enjeux climatiques. La contrainte biophysique est là. Je pense que parce qu’il y a des mentalités qui bougent et parce qu’il y aura une contrainte que dame nature nous imposera, on va réussir petit à petit à réguler et améliorer cette consommation des terres et des espaces agricoles.
Dominique Lemoine
*Inrae pour Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.