Arnaud Di Pasquale : « On doit être plus ambitieux »
En dépit d’un bilan plutôt satisfaisant sur le parcours des Bleus à Roland-Garros, le directeur technique national français, Arnaud Di Pasquale, a déclaré, hier, que le tennis français devait tenir un discours plus ambitieux, dès les premiers coups de raquette. Explications.
Globalement, quel bilan tirez-vous de ce Roland- Garros, côté français ?
Arnaud Di Pasquale : « Au début de la quinzaine, tout le monde était en train de tirer la sonnette d’alarme parce que les joueurs français n’arrivaient pas dans les meilleures conditions physiques. Finalement, je trouve qu’ils nous ont rassurés et j’espère que cela va les relancer pour la suite. Richard Gasquet n’était pas sûr de jouer ici avec sa blessure, et Gilles Simon a livré un superbe match contre la “machine” Raonic. »
Trouvez-vous qu’un quart de finale soit suffisant ?
A. P. : « L’idée, ce n’est pas de positiver à tout prix. On sait tous que Gaël (Monfils) et Jo (Wilfried Tsonga) peuvent mieux faire. Mais on ne peut pas toujours être au top de sa forme. En quart, Djokovic était tout simplement plus fort. Jo n’a pas eu de solutions. Avec un capital confiance qui n’était, en plus, pas au top, le décalage a été accentué. Il a eu beau donner l’impression de ne pas réagir, je peux vous dire qu’à l’intérieur de lui, ça bouillonnait. Pour Monfils, on n’imaginait pas un quart de finale, ni cinq sets contre Murray. Il y a donc du positif. S’il a cette attitude-là sur tous les tournois, il entrera dans le Top 10. »
Que manque-t-il aux Français pour franchir le cap dans les Grands Chelems ?
A. P. : « On parle des Français, de mal français, mais que manque-t-il aussi aux autres joueurs pour franchir ce cap ? Que manque-t-il à Berdych contre Gulbis, à Ferrer contre Nadal ? Les deux ont été largement dominés en quarts. Je crois que pour être au meilleur niveau mondial, au niveau des Nadal et Djokovic, il faut que tous les facteurs soient convergents. Chaque détail compte. Nadal a une constance dans l’engagement et un niveau de performance mentale que peu ont. Il n’a pas non plus choisi tout seul de frapper chaque balle comme il le fait. Il a un environnement. »
« Un élastique dans le dos »
Les Français ne s’engagent-ils donc pas assez ?
A. P. : « On doit tous être beau- coup plus ambitieux. Mais en France, on n’a pas le droit de dire ça, sinon ça passe pour de l’orgueil. Pourtant, se répéter qu’on veut devenir N°1 mondial, ça permet d’y croire, de s’en convaincre pour y parvenir. On est tous responsables. Il y a des étapes à passer. Arriver dans le Top 100 ou dans le Top 50, ça ne doit pas être une finalité. J’ai le sentiment aujourd’hui qu’on freine un peu un gamin qui nous dit qu’il veut être N°1 mondial. On lui répond de faire attention aussi à ses études. Inconsciemment, on le retient, on lui met un élastique dans le dos. Les tout meilleurs du monde ont été poussés depuis tout gamins, accompagnés. Ils n’ont pas eu cet élastique-là. »
Quelle est la solution ?
A. P. : « On doit se fixer des étapes, en se basant sur des temps de passage, des références imposées par ceux qui sont arrivés tout en haut. Déceler des potentiels, des talents, on sait faire. Benoît Paire, on le savait. Je pense que, dans chaque génération, il y a un champion. Et ce champion- là, on l’accompagne mais on ne doit pas le freiner. Devenir le meilleur, ça doit entrer dans le disque dur. »
« Garcia sait tout faire »
Que retiendrez-vous du parcours des Françaises ?
A. P. : « Mladenovic a saisi sa chance contre Li Na et elle a emmagasiné une grande confiance. Avec Townsend, Alizé Cornet est tombée sur une joueuse au physique étonnant et au bras extraordinaire. Pauline Parmentier va se réinstaller dans le Top 100 et Caroline Garcia, même si elle a été éliminée tout de suite, doit continuer à ne pas se fixer de limites, comme “Kiki”. En très peu de temps, il s’est passé un truc chez elle. A Saint-Louis, elle avait fait un match de folie. Elle sait tout faire. Elle construit ses points. Tactiquement, c’est réfléchi. Elle a un niveau de jeu proche du Top 20 mondial. »
Andy Murray et Ernests Gulbis en finale, vous y croyez ?
A. P. : « J’ai été impressionné par Murray contre Gaël (Monfils). Il est parvenu à se remettre dans sa bulle au début du cinquième set, alors que, quelques instants avant, il paraissait perdu et avait échangé quelques mots avec Fransson, le juge-arbitre du tournoi, pour arrêter la rencontre. De là à le voir franchir l’obstacle Nadal, je suis très sceptique. A chaque fois, il se remet en question. Il arrive avec une confiance ébranlée ici mais il domine tout. Quant à Gulbis, ce qu’il est en train de produire est magnifique. C’est un joueur qui n’a aucun état d’âme, mais je ne suis pas sûr que ses fantaisies puissent tenir contre des joueurs du calibre de Djokovic. Il y a de la clarté, de la sérénité chez le Serbe. »
De notre envoyée spéciale à Roland-Garros : Delphine Catalifaud