Apprendre à s’exprimer pour décrocher un emploi à Saint-Dizier

Pôle emploi et Blue project ont organisé “Des Planches de l’emploi”, aux Fuseaux, ce 8 décembre. Une première en France, qui consiste à faire travailler les demandeurs d’emploi sur leurs compétences comportementales via des ateliers d’expression corporelle.

On croit assister à une scène d’art contemporain dans la salle des Fuseaux. La vingtaine de personnes présentes est figée, chacune dans la position qu’elle a choisie. Un tableau suprenant. Puis, on passe à un autre exercice : mimer en petits groupes le fonctionnement d’une machine métallurgique. Tous jouent le jeu, alors qu’ils sont censés chercher du travail ou en proposer. Une drôle de méthode. En tout cas, une première en France, proposée par Pôle emploi Saint-Dizier ce jeudi 8 décembre, pour améliorer ses compétences comportementales, son savoir-être ; les fameux “soft skills” dans le jargon tendance du monde de l’emploi.

Valoriser son image pour retrouver un emploi

« Chaque entité régionale dispose d’un budget pour des prestations spécifiques, pour réfléchir autrement. C’est lors de l’opération Du stade vers l’emploi (qui réunissait déjà employeurs et recruteurs autour du sport, ndlr), qu’un conseiller a pensé à renouveler l’action mais en utilisant le théâtre », raconte Emmanuel Maury, psychologue du travail. Les 50 membres bragards de Pôle emploi adhèrent à l’idée.

« Le but, c’est d’accompagner un public éloigné de l’emploi, de lui donner la confiance dont il manque. Les ateliers permettent aux participants de mieux s’exprimer », explique Anne-Marie Lomonaco, directrice du Pôle emploi local. « Cette prestation valorise l’image de la personne. Elle contribue à la remotiver pour les démarches, à refaire son CV, quelqu’un de timide pourra se remobiliser », ajoute le psychologue.

« Casser les codes »

Cette tâche revient à Blue Project, une société de formation meusienne spécialisée dans les compétences comportementales. Par petits groupes, ses animateurs travaillent sur des ateliers d’expression corporelle ou orale, notamment sur la scène des Fuseaux, ce matin. Au total, 20 employeurs de Saint-Dizier, Vitry-le-François et Bar-le-Duc se sont joints anonymement aux 110 chômeurs volontaires. « On veut casser les codes, faciliter les rencontres entre employeur et demandeur d’emploi, que ces derniers voient que c’est possible de se rencontrer. On veut aussi leur donner envie de bosser pour quelqu’un, et pas forcément pour une entreprise », s’enthousiasme Emmanuel Maury. 

Il s’agit aussi d’accompagner les conseillers Pôle emploi et les employeurs, destabilisés par l’évolution de la société, les nouvelles exigences des chômeurs. Douze conseillers ont, en effet, rejoint les groupes. « On serait peut-être mieux à l’agence, c’est un débat », concède le psychologue, qui pose le contexte : « la question c’est : qui doit s’adapter ? L’entreprise doit désormais se faire sexy, comprendre que les jeunes préfèrent les CDD et qu’ils veulent bien vivre leur emploi ».

Face à ce bouleversement de mentalités, certaines procédures restent toutefois d’actualité. Après que l’identité de chacun a été dévoilée, l’après-midi est consacrée à un job dating, toujours dans l’enceinte des Fuseaux. Si des entretiens d’embauche se tiennent dans les gradins de la salle de spectacle, les candidats ont apporté leur traditionnel CV. « Ils ont suivi une préparation pour se présenter. L’idée, c’est de favoriser le contact, nous sommes un médiateur entre le demandeur d’emploi et l’employeur », résume la directrice.

Quant à l’efficacité de pareille politique publique, l’Etat rechigne à sortir des chiffres précis et locaux. Lors de l’action Du stade vers l’emploi, 66 % des participants du Grand Est ont retrouvé un emploi – CDI, CDD, intérim, formation – dans les six mois. 

Marie-Hélène Degaugue

mh.degaugue@jhm.fr

Trois questions à Emmanuel Maury

Le psychologue du travail exerce à Pôle emploi depuis 2010. De fait, il a pu percevoir quelques évolutions.

Pourquoi ne pas rester dans une formule traditionnelle, soit une rencontre employeur chômeur ?

Cela permet une autre représentation de l’entreprise. Par exemple, beaucoup croient encore que chez Yanmar, le travail est très physique. Ils pensent ne pas pouvoir candidater, alors qu’on téléguide des objets avec des manettes. Il faut créer une médiation à un moment pour que les deux parties discutent, que l’on casse les clichés.

N’est-ce pas désespérant d’en arriver à une telle action ?

Non, c’est le marché de l’offre et la demande. Quand on est dans le plein emploi, il y a une réalité à gérer. Quelqu’un qui est déjà sur un poste et veut en changer ne passera pas par nous. Mais il y a un autre public, qui doit apprendre à postuler et le savoir-être. Quand il y a plus de demandes que d’offres, les employeurs prennent les meilleurs. Maintenant, c’est l’inverse, l’entreprise doit se montrer sexy. Il ne faut pas croire que s’il y a 5 000 postes et qu’il y a 5 000 chômeurs, cela peut se corréler. Si on les oblige, les gens ne seront pas motivés.

D’où provient cette évolution dans le monde du travail ?

Le rapport au travail a changé mais il ne faut pas forcément être pessimiste. La nouvelle génération veut bien vivre son emploi, tout le monde doit apporter sa pierre à l’édifice. L’emploi s’inscrit dans tout, ses loisirs, sa vie… Il faut faire comprendre cet aspect à tout le monde.