Apaiser sans se renier – L’édito de Patrice Chabanet
Gérer le dossier corse, c’est manipuler un oursin. Tout a été essayé. En vain. Pourtant, Emmanuel Macron veut y croire. Le déplacement qu’il effectuera sur l’île de Beauté vise précisément à sortir du conflit permanent qui oppose une partie de la population insulaire à l’Etat central. Les enjeux du voyage présidentiel se lisent dans deux événements proches : la manifestation nationaliste du week-end dernier et la commémoration aujourd’hui de l’assassinat du préfet Erignac il y a vingt ans jour pour jour. D’un côté, une revendication identitaire, de l’autre le rappel de l’autorité de l’Etat sur la Corse. Deux visions apparemment inconciliables entre lesquelles le président de la République doit trouver une porte de sortie. Elle pourrait s’ouvrir sur une autonomie accrue. Sachant que la question corse est d’abord politique : bien séparer autonomisme et indépendantisme. Sur la photo, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni font bonne figure, mais il est clair que les projets de l’un et de l’autre sont intrinsèquement divergents. Le leader autonomiste semble considérer tout l’avantage que la Corse pourrait tirer d’une émancipation insulaire au sein de République française. Son homologue indépendantiste croit dur comme fer, et sans sourire, à la viabilité d’une Corse indépendante.
Le réalisme économique plaide d’ailleurs plus pour l’autonomie que la sécession. Quant à la « co-officialité » de la langue corse, elle tient de l’utopie linguistique. Dans un monde où le français a déjà des difficultés pour défendre ses positions face à l’anglais, on imagine mal un bilinguisme franco-corse, avec l’énorme montagne de textes juridiques ou techniques à traduire. Le chef de l’Etat n’aura donc pas la tâche facile pour apaiser les tensions toujours palpables sans renier les intérêts de la République. On espère qu’il brisera – enfin – un tabou avec ses interlocuteurs du nouvel exécutif corse : comment lutter contre la mafia qui sévit dans l’économie locale ? L’autonomie élargie – inéluctable et légitime – ne doit pas lui servir sur un plateau les marchés publics.