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Cigéo

Cigéo : l’Andra a officiellement demandé la création du centre de stockage de déchets nucléaires à Bure

Cigéo
L’Andra estime être aujourd’hui « à maturité » dans ses recherches sur la sûreté de Cigéo.
(Photo d’archives P.-J. P.)

C’est une étape cruciale que vient de franchir le projet Cigéo. Lundi 16 janvier, l’Andra a déposé son dossier de demande d’autorisation de création du centre de stockage de déchets radioactifs dans le sous-sol de Bure.

« C’est le résultat de 30 ans d’études et de recherches, de 20 ans de travaux dans le laboratoire souterrain de Bure, de 10 ans d’études de conception. » Pour Pierre-Marie Abadie, directeur général de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), le dépôt auprès du ministère de la Transition écologique, lundi 16 janvier, du dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo est « un aboutissement ». Un dossier de plus de 10 000 pages, qui a nécessité deux ans de rédaction et qui réunit les travaux de pas moins de 200 contributeurs.

« Nous estimons qu’après 30 ans de recherches, trois débats publics et trois lois, nous disposons de connaissances et de compétences suffisantes pour assurer la sûreté d’un stockage en couche géologique profonde », a expliqué Pierre-Marie Abadie, ce mardi 17 janvier, au cours d’une conférence de presse à Paris. « On a la maturité pour entrer dans une phase d’instruction technique. »

Cinq ans d’examen du dossier par l’ASN

Une instruction qui va demander du temps, à l’image du projet Cigéo, qui doit s’étaler sur quatre générations (voir ci-dessous la chronologie du projet). L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) se donne en effet cinq ans pour étudier le dossier de l’Andra. D’abord un examen technique par son bras armé, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et par des groupes d’experts, qui rendront un avis. Puis par une phase de concertation qui s’achèvera par une enquête publique, sans doute vers la fin 2026. A l’issue, en fonction de l’avis définitif de l’ASN, un décret d’autorisation de création pourra être délivré à l’Andra, qui pourra alors démarrer la construction de la première tranche de Cigéo (lire en encadré).

Ce dépôt du dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo est aussi l’occasion pour l’Andra de changer de statut vis-à-vis de l’ASN. « Nous devenons exploitant nucléaire pour Cigéo », a précisé Pierre-Marie Abadie. Cigéo dont le but est, depuis plusieurs décennies déjà, de mettre en œuvre une solution de stockage pour 83 000 m3 de déchets radioactifs de moyenne et faible activité à vie longue. « La moitié sont déjà produits. On les a déjà sur les bras », a insisté le directeur général de l’Andra. « Notre responsabilité est de proposer une solution de gestion durable aux générations futures. De ne pas les laisser sans solution pour ces déchets que nous avons produits. »

P.-J. P.

pj.prieur@jhm.fr

D’abord une première tranche pilote

Les recherches menées dans le laboratoire depuis 20 ans trouvent « un aboutissement » avec le dépôt de la DAC. (Photo d’archives P.-J. P.)

La demande d’autorisation de création déposée ce lundi 16 janvier par l’Andra « ne concerne que la phase industrielle pilote », sorte de « prise en main » du centre de stockage, a précisé Frédéric Plas, directeur du programme Cigéo pour l’Andra. Cette première tranche se présentera sous la forme d’un « petit quartier pilote » avec une vingtaine d’alvéoles pour les déchets de haute activité sur les 900 prévues et quatre alvéoles sur 22 pour ceux de moyenne activité. Pour la suite, une nouvelle autorisation sera nécessaire.

Pas de déchets avant 2035 ou 2040

Si le dépôt par l’Andra de son dossier de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo est un « aboutissement », c’est aussi et surtout une nouvelle étape dans le très long processus de sa mise en œuvre.

En 2027, après l’instruction de la DAC, un décret d’autorisation de création doit permettre à l’Andra de lancer la construction de Cigéo et la phase pilote avec les premiers essais à froid. Les premiers colis de déchets radioactifs n’arriveront qu’en 2035 ou 2040 pour une phase industrielle pilote prévue jusqu’en 2050. Il s’agira de déchets de moyenne activité à vie longue. Ceux de haute activité ne sont pas attendus avant 2085, le temps qu’ils refroidissent suffisamment. Cigéo s’étendra donc sous terre petit-à-petit jusqu’en 2150, date de sa fermeture. S’engagera alors une période de surveillance d’au moins 300 ans.

Que contiennent les 10 000 pages du dossier ?

Pierre-Marie Abadie et Frédéric Plas, de l’Andra, ont présenté la demande d’autorisation de création.

Il aura fallu environ deux ans pour rédiger le dossier de de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo. Un dossier de plus de 10 000 pages, qui comporte 23 pièces, dont « deux très importantes : la version préliminaire du rapport de sûreté, très technique et plutôt destiné à l’ASN, et l’étude de maîtrise des risques, pour expliquer la sûreté au public », a détaillé Frédéric Plas, directeur du programme Cigéo au sein de l’Andra, mardi 17 janvier, lors de la conférence de presse parisienne.

« La sûreté est au cœur de la DAC », a-t-il martelé. « Cigéo doit assurer la sécurité de l’environnement et des hommes face à la dangerosité des déchets, et ce durant la phase d’exploitation comme après la fermeture. »

Identifier les risques et les limiter

La DAC présente donc les différents risques d’un tel stockage, comment l’Andra envisage de les réduire ou d’en réduire leur impact en cas de problème. Les principaux risques identifiés durant la période d’exploitation sont notamment la chute d’un colis qui provoquerait un relâchement de matière radioactive et le risque d’incendie. « Pour le premier, nous limitons la hauteur de levée des colis à quelques dizaines de centimètres seulement », a détaillé Frédéric Plas. « Pour le second, on sépare la zone travaux et la zone nucléaire et on interdit les moteurs thermiques dans la partie stockage. »

Après la fermeture de Cigéo, vers 2150, l’Andra compte sur la couche d’argile du callovo-oxfordien et sur la profondeur du stockage (environ 500 m) pour assurer la sûreté à long terme. Et on parle tout de même là d’un million d’années…

Pour le reste, on trouve aussi dans la DAC un volet sur les capacités financières de l’exploitant (l’Andra), sur la maîtrise foncière des terrains, ou sur les gaz à effet de serre. On y trouve également la description du type de colis acceptés, parmi lesquels figurent les déchets bitume, pour lesquels l’ASN avait mis en garde l’Andra par le passé. « Ce sont des boues solides issues des effluents des centrales nucléaires enrobées dans une matrice bitume, qui peuvent potentiellement monter en température et provoquer un incendie », souligne Frédéric Plas. « Nous proposons deux voies de stockage pour eux : soit après un traitement qui reste aujourd’hui à définir, soit en l’état, mais dans des alvéoles renforcées, avec un dispositif de refroidissement. »

« Cigéo, un pari dangereux et explosif » pour les opposants

En réaction au dépôt de la DAC, la coordination Cigéo/Bure Stop dénonce « une nouvelle étape administrative alors même que l’agence est incapable de prouver faisabilité financière et technologique, et toujours au mépris d’une opposition qui ne faiblit pas ».

Rappelant que 32 organisations et 30 habitants ont déposé en septembre 2022 un recours contre la déclaration d’utilité publique et l’opération d’intérêt national, la coordination s’interroge notamment : « Comment l’Andra a-t-elle résolu les inconnues sur les déchets bitumés, soit 25 % des déchets potentiellement attendus à Cigéo et hautement inflammables, qui ne peuvent être enfouis tels quels ? Comment réaliser la démonstration de la faisabilité de la réversibilité alors que tous les retours d’expérience montrent que, loin d’être une prouesse technologique, elle n’est qu’un élément de langage ? (…) Cigéo est un pari dangereux et explosif, quelques milliers de pages, rapports et études supplémentaires n’y changeront rien. »

Par ailleurs, « au terme d’une instruction expresse de 30 mois, un décret pourrait lancer en 2027, sans plus aucun regard parlementaire, les travaux de la “phase pilote”. Cette première étape industrielle de Cigéo comprend la construction des principaux ouvrages de surface et des premiers ouvrages souterrains, en vue de l’arrivée de déchets radioactifs entre 2035 et 2040. Cette opération engloutirait plus de 5 milliards d’euros, soit la quasi-totalité des provisions pour la mise en œuvre de Cigéo sur environ 130 ans ! Ce “test grandeur nature” est une énorme supercherie : ce chantier serait le lancement irréversible de Cigéo. Quel gouvernement aurait le courage de stopper un tel investissement ultérieurement ? »

Appel à rassemblement européen

La coordination note encore, à propos de la Meuse et de la Haute-Marne : « Quel projet industriel aura-t-il avancé aussi loin sur fond de mensonges scientifiques, corruption des esprits, achat des consciences ? Le mépris de la population appelée à devenir la “terre d’accueil” selon l’Andra d’un monstrueux legs atomique, sans jamais avoir eu son mot à dire est quasi criminel ? » Elle conclut et appelle « à rassemblement massif », « européen » le 3 juin 2023 autour de Bure. 

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