Amère victoire – L’édito de Patrice Chabanet
Amère victoire – L’édito de Patrice Chabanet
Mossoul a été reprise à Daech, mais à quel prix ! Au terme d’une bataille plus longue que celle de Stalingrad, la ville a été totalement détruite. La population civile a payé un lourd tribut sous la férule d’un Etat islamique qui l’avait transformée en bouclier humain. Si l’on peut se réjouir de la défaite d’un pseudo-califat, faux-nez d’une véritable organisation criminelle, il est donc difficile de chanter victoire. Daech tient encore Raqqa et des poches de résistance en Syrie et en Irak. Son éradication prendra encore du temps. Il faut aussi se méfier des retours de flammes djihadistes. A Mossoul même, des pâtés de maison ont été repris pendant quelques heures. Il ne faut pas oublier non plus que la ville était tombée en quatre jours face à une armée irakienne désorganisée et totalement démotivée. C’était en juin 2014. Il aura donc fallu attendre trois ans pour retourner la situation.
La libération de Mossoul n’est pas une fin en soi. Outre l’aspect purement matériel de la reconstruction, s’ouvre le vaste domaine des incertitudes politiques. Le pouvoir irakien ne peut revendiquer à lui tout seul les fruits de la victoire. L’appui aérien et les forces spéciales de la coalition – dont la France – ont joué un rôle déterminant. Il y a aussi, au sol, l’engagement substantiel des Kurdes. Souvent roulés dans la farine de l’Histoire, ils ne se contenteront pas des félicitations de la communauté internationale. Disposant déjà d’un territoire autonome en Irak, ils cultivent plus que jamais l’idée ou le rêve d’un Kurdistan indépendant. Une perspective que rejettent absolument la Turquie et l’Iran où se trouvent de fortes minorités kurdes. L’autre incertitude qui se profile après la fin prévisible de l’Etat islamique, c’est bien sûr le devenir de ses métastases terroristes, en Europe et ailleurs. La maison-mère étant en voie d’effondrement, ses succursales lui survivront-elles ? On peut le craindre. Sous d’autres noms et avec d’autres califes autoproclamés.