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Aménagements Meuse-Mouzon : « Ils ne passeront pas »

Le projet de construction de digues destinées à protéger la commune de Neufchâteau des inondations fait des mécontents côté Haute-Marne. Rencontre avec deux agriculteurs, directement impactés et contrariés.

Laurent Flammarion et Michel Barret sont agriculteurs dans le Bassigny. L’un à Audeloncourt. L’autre à Soulaucourt-sur-Mouzon. Ils ne se sentent pas entendus. Ni même écoutés. Le projet de construction de trois digues porté par l’Epama (lire notre encadré) ayant pour objet de protéger Neufchâteau des inondations fait pourtant de nombreux mécontents, essentiellement côté Haute-Marne. « Il y a de nombreuses personnes qui seront touchées, mais nous sommes les deux principaux », observe Laurent Flammarion. Devant la ferme de Dardu, exploitée par la huitième génération, une immense digue va être construite, « d’environ 450 m de long sur 2,50 m de haut ». Logiquement dès le printemps 2021.

Pour gérer l’afflux brutal à Neufchâteau

Comme les deux autres – à Soulaucourt et Hâcourt – cette retenue aura pour objet de garder l’eau en cas de fortes précipitations et ainsi d’empêcher l’inondation de nombreuses habitations situées à Neufchâteau. Pourquoi ? Parce que c’est sur cette commune que se rejoignent le Mouzon et la Meuse. L’idée du projet financé par d’onéreuses études est de créer des retenues d’eau afin d’empêcher l’afflux brutal d’eau et donc les inondations. Présenter ainsi, cela semble être une bonne idée. Pas pour les Haut-Marnais qui, s’ils sont habitués à connaître des inondations ou montées des eaux assez régulièrement, vont être plus souvent et plus longtemps « sous l’eau”.

Michel Barret, agriculteur à Soulaucourt-sur-Mouzon aura également une digue près de sa ferme. Cet ouvrage aura pour lui les mêmes conséquences que celui d’Arnoncourt : rendre inondables une partie de ses terres, cultivables ou à usage de pâture. « Nos ancêtres disaient que l’on inonde sept fois par hiver. Je me souviens avoir entendu mon grand-père dire : “ C’est la septième fois, c’est bon, on sera tranquille !” »

Laurent Flammarion, Claude Louis et Michel Barret.

Une action en justice

Dans cette affaire, les deux agriculteurs rencontrés ont le sentiment que leurs exploitations sont sacrifiées. « Les dédommagements ne sont pas à la hauteur », complète Laurent Flammarion. Ceux-ci concernent en effet la « sur inondation, c’est-à-dire les terres nouvellement inondables. « Cela ne représente pas grand-chose et cela concerne les terres inondées en dernier et le moins longtemps », proteste Laurent Flammarion qui, au-delà de tout dédommagement souhaite voir son élevage de charolaises prospérer. « Au lieu d’avoir 50 cm d’eau sur quatre jours, je vais avoir 2 m sur au moins huit jours ! » Pour le blé, comme pour le fourrage, ces crues risquent d’avoir de terribles et onéreuses conséquences. Michel Barret évalue le surcoût de fourrage pour son troupeau à 20 000 €.

Contrariés, éprouvés, se sentant ignorés, les deux agriculteurs se sentent bien seuls. Décidés à se battre, ils projettent de lancer une action au tribunal administratif et souhaitent une issue favorable.

Dossier : Sylvie C. Staniszewski

Un projet porté par le syndicat Epama

Le projet d’aménagements hydrauliques et environnementaux du bassin de la Meuse amont dit HEBMA est porté par l’Établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents (Epama EPTB Meuse). Il a fait l’objet d’une enquête publique qui s’est tenue cet été, du 6 juillet au 10 août 2020. L’Epama est un syndicat mixte de collectivités créé en juillet 1996 suite aux inondations catastrophiques de 1993 et de janvier 1995 sur l’ensemble du bassin-versant. L’objectif du syndicat est de prévenir les inondations et de préserver la biodiversité des écosystèmes aquatiques et des zones humides.

La Région Grand Est, quatre départements (Haute-Marne, Vosges, Meuse et Ardennes), quatorze collectivités ainsi qu’un syndicat de rivière font partie de de l’Epama.

« Il y avait d’autres solutions, moins coûteuses »

Ingénieur Conseil, résidant dans les Vosges, ayant des attaches haut-marnaises, Claude Louis a pris fait et cause pour les Riverains du Mouzon, constitués en association.

Claude Louis, ingénieur conseil.

« J’ai consacré ma vie à l’étude des grands projets, surtout les barrages », observe ce dernier. « J’ai analysé ce dossier. Je ne comprends pas comment ils en sont arrivés à cette conclusion. En travaillant un mois, j’ai trouvé deux solutions qui ne pénaliseraient par les Haut-Marnais et qui seraient bien moins coûteuses », observe Claude Louis. « Si on place des digues en plaine, comme c’est ici le cas, on stérilise les sols, on pollue. Là, on va sacrifier des centaines d’hectares », poursuit-il. Il est en outre sceptique quant à l’efficacité de ces barrages. « En une heure ou deux, ils seront pleins. Les inondations auront les mêmes conséquences. » Il va même plus loin et craint des ruptures avec une conséquence terrible pour un moulin situé à Soulaucourt : « Il sera rasé », prévient-il.

Parmi les autres possibilités, Claude Louis évoque « la construction d’un barrage, localisé, profond et avec un très grand volume pour une petite surface ». Il évoque aussi des aménagements du côté des Cinq ponts, à Neufchâteau.

« Je travaille bénévolement. Je suis touché. Il y a eu des agriculteurs dans ma famille. Laurent et Michel sont durement éprouvés. Il faut bien comprendre que pour eux, c’est très dur. »

Une histoire de famille

Qu’ont en commun la ferme des Maleux (Soulaucourt) et celle de Dardu (Audeloncourt), si ce n’est d’être les deux plus impactées par l’installation des digues dans le projet qui fait l’objet de cette page ?

Toutes deux appartenaient au Duc de Lorraine et ont été vendues le 13 avril 1791 aux ancêtres des deux familles qui en tiennent actuellement les rênes. Chez Flammarion, Emmanuel (fils de Laurent Flammarion) est récemment entré dans la SCEA de Dardu. Son frère Aubin, étudiant en BTS, devrait être le prochain à rejoindre cette aventure familiale à laquelle sont aussi associés Basile Chittaro et un salarié. « Avec mes enfants, ce sera la huitième génération qui se succède », annonce fièrement Laurent Flammarion. Il reprend, le ton grave : « Je me dois de transmettre l’exploitation dans les meilleures conditions, comme l’ont fait mes parents et mes ancêtres avant. »

À la ferme des Maleux, que certains surnomment ironiquement “la ferme des malheurs” compte tenu de ce qui arrive avec le projet de digue, la neuvième génération a pris la suite : Jean-Nicolas Barret est actuellement aux commandes de cette exploitation spécialisée. « Nous sommes naisseurs et engraisseurs de charolais », observe Michel Barret, très éprouvé moralement. Il faut dire qu’avec cette affaire de digue, il estime que 120 hectares de ses terres – dont 80 autour de la ferme – sont directement impactés. « C’est une perte de valeur de mes terres. De plus, il y a des risques d’inondations de certains bâtiments », déplore-t-il.

De son côté, Laurent Flammarion évalue à 150 ha la surface de terres qui pourraient subir des inondations régulières à cause de la digue.

Quand la coupe est pleine

Quand la coupe est pleine, elle déborde. Laurent Flammarion l’a répété plusieurs reprises lors de l’entretien avec Le JHM : « Je suis un homme de dialogue. » Dans cette affaire, il reproche de ne pas avoir trouvé les interlocuteurs avec qui dialoguer. « Fabienne Scholhammer ou Bruno Sido nous ont écoutés, mais ce sont les Vosges qui ont la main dans cette affaire… »

Laurent Flammarion devant son méthaniseur.

Déjà sérieusement éprouvé avec les retombées négatives sur son exploitation agricole, Laurent Flammarion n’a pas du tout accepté une réalisation qui lui a été demandée : « Il y a des subventions pour créer une zone humide et supprimer les drainages que mon père avait installés avec des subventions ! Cela concerne une superficie de 20 ha, sur mes terres. Je suis pour l’écologie, ce n’est pas le problème. D’ailleurs je produis des énergies renouvelables : avec une installation photovoltaïque de 500 kWh et une unité de méthanisation de la même puissance. » Lequel méthaniseur est « nourri” avec 80 % de fumier ou lisier. « Cette zone humide, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », termine l’agriculteur qui estime avoir été suffisamment puni comme ça. « Qu’ils la fassent ailleurs, vers Neufchâteau, cette zone s’il en faut une. »

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