Ambiguïtés chinoises – L’édito de Patrice Chabanet
Les diplomates ont pour habitude d’employer un langage fait de nuances et de subtilités. L’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, vient de déroger à cet usage des bonnes manières. Il a troqué les chaussures de ville pour des gros sabots. La Crimée est-elle ukrainienne ? Un cadeau de Khrouchtchev à l’Ukraine, a-t-il répondu impavide. Les Etats baltes ? Leur souveraineté n’a pas été validée par un accord international, a-t-il insisté, comme pour enfoncer le clou de la défiance chinoise face aux effets de la chute de l’empire soviétique. La démarche de l’ambassadeur de Pékin est si grossière et elle a déclenché une telle bronca à travers la planète qu’on s’est vite demandé s’il ne s’agissait pas d’un dérapage.
C’est peu probable car le dérapage était contrôlé. La discipline communiste n’autorise pas l’improvisation. Lu Shaye s’est comporté en bon petit soldat du parti. Là où le bât blesse c’est que la voix officielle de Pékin est ambigüe. Elle donne l’impression de s’aligner sur Poutine et sa nostalgie de l’empire soviétique et, dans le même temps, de reconnaître l’indépendance des Etats qui se sont affranchis de l’URSS. Faire plaisir à la fois au maître du Kremlin et ne pas heurter ses adversaires.
On connaît la suite de ce psychodrame diplomatique. Nous faire croire que les propos de l’ambassadeur étaient purement personnels, tactique appliquée dès ce lundi. Brouiller les cartes jusqu’à la fin du conflit. A ce jeu dangereux, la Chine en a déjà perdu une. Elle ne peut plus être crédible dans ses prétentions au rôle de médiateur dans la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie.