Alcoolisme, sollitude et prison ferme
Confronté à dépendance, solitude et isolement, Serge Pillardosse a répondu, en comparution immédiate, d’une quatrième condamnation pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Les débats ont mis en lumière les difficultés rencontrées par les habitants de communes isolées.
Le 4 avril dernier, Serge Pillardosse circule au guidon de son cyclomoteur. Les douze coups de midi n’ont pas encore sonné. «J’allais chez le toubib», se remémorait le prévenu. Les gendarmes en faction sont interpellés par le comportement du cyclomotoriste. Un contrôle révélera un taux d’alcoolémie de 1,52 gramme d’alcool par litre de sang. «Je n’ai pas bu le matin, la veille, j’avais des soucis, j’ai bu du vin et de l’eau», indiquait Serge Pillardosse. «Surtout du vin rouge», soulignait le juge Thil avant de faire lecture du casier judiciaire du prévenu. Condamné à trois reprises pour conduite sur l’état d’un empire alcoolique, Serge Pillardosse est sous le coup d’un sursis avec mise à l’épreuve. L’homme n’aura manifestement pas respecté ses obligations de soins. «J’ai demandé à suivre une cure, mais je devais attendre la fin de mon contrat», affirmait le prévenu.
Les conditions de vie de Serge Pillardosse retenaient l’attention du tribunal. A 49 ans, le prévenu vit reclus sur lui-même. Confronté à une profonde misère sociale et affective, Serge Pillardosse a connu de longues périodes de chômage avant d’intégrer les Brigades vertes. En cours de réinsertion, Serge Pillardosse profitait du système de location – à prix modique – de cyclomoteurs mis en place dans le cadre du plan Mobilité pour le Pays de Langres. Résidant à Chassigny, le prévenu pouvait ainsi se rendre sur son lieu de travail et s’en aller faire quelques alimentaires emplettes à Longeau-Percey.
Juger et aider
En charge de la bonne marche d’une mesure de mise sous tutelle, la tutrice de Serge Pillardosse faisait état des différentes difficultés endurées par un homme en rupture. «Je ne suis pas là pour juger les gens, je suis là pour les aider, soulignait la tutrice. Cet homme est très agréable et très facile à gérer. Le priver de scooter le couperait de contacts extérieurs l’enfermerait un peu plus dans sa solitude.» Le juge Thil s’enquérait d’un éventuel déménagement vers une commune mois isolée. «Quitter la maison de mon père me ferait trop mal au cœur», tranchait le prévenu, le visage miné par les stigmates d’une alcoolisation massive.
«Ce dossier est éminemment difficile sur le plan humain. Monsieur est dangereux pour lui-même et pour autrui. Le déclic pourrait venir d’une courte peine de prison ferme», soulignait le procureur Prélot avant de requérir une interdiction de conduire tout véhicule à moteur et de solliciter un mandat de dépôt. «Retirer l’usage d’un cyclomoteur à monsieur équivaut à déclarer sa mort sociale, répliquait Me Charlot. Un sevrage mécanique en détention n’a qu’un effet temporaire. Ne peut-on pas imposer un cure à monsieur ?»
«Nous n’avons pas les moyens d’assurer une injonction thérapeutique dans ce département», soulignait, fataliste, le juge Thil, conscient de craintes carences en matière d’aide et d’accompagnement des alcooliques et toxicomanes. Les magistrats se retiraient. Le prévenu goûtait à quelques minutes de liberté sur le perron du palais de justice. De retour en salle d’audience, le juge Thil prononçait une peine de deux mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Entouré de deux gendarmes, Serge Pillardosse s’en allait passer une première nuit en maison d’arrêt.