Alain Chamfort, la musique dans le sang
Alain Chamfort a travaillé avec les plus grands, comme Serge Gainsbourg. Avant son concert de demain soir (jeudi 27 avril) aux Fuseaux à Saint-Dizier, l’interprète de “Manureva” et de “La Fièvre dans le sang” se livre sur sa carrière et ses relations houleuses avec Claude François.
Le Journal de la Haute-Marne : Vous avez écrit les musiques de la plupart de vos chansons. Comment travaillez—vous ? La musique ou les textes d’abord ?
Alain Chamfort : Ça dépend des fois. Il n’y a pas de règle. J’ai eu la chance de travailler- avec des auteurs hyper talentueux. C’est plutôt eux qui posaient des textes sur mes musiques. J’ai toujours fait mes musiques avec une grande liberté. Ce que j’aime bien, c’est que la mélodie se suffise à elle-même. Et ensuite, j’adore quand il y a une vraie valeur ajoutée avec le texte, et qu’on ne puisse pas imaginer qu’il y ait d’autres paroles possibles sur la musique. Je sais que les musiciens apprécient ce que je chante, parce que justement les chansons ont une existence musicale.
JHM : Comment propose-t-on des mélodies à quelqu’un comme Serge Gainsbourg ? Ce doit être très intimidant…
A. C. : Oui, il y a un petit côté présomptueux. Mais on avait ce langage en commun. Et si je n’avais pas eu le sentiment que mes musiques tenaient la route, je n’aurais jamais eu le courage de les lui proposer.
JHM : Il y a des artistes éphémères. Et il y a ceux qui durent, comme vous. Vous avez su vous adapter à toutes les époques, quel est le secret ?
A. C. : Au bout d’un certain temps, on finit par s’inscrire dans une sorte de mémoire collective. Le temps permet de préciser sa personnalité et sa signature. Il faut laisser le temps aux artistes. C’est nécessaire. Savoir bien s’entourer, c’est aussi important et puis il y a un facteur chance qu’on ne maîtrise pas. Je n’ai pas eu non plus un succès régulier. Et ce n’était pas toujours évident par rapport à mes maisons de disques. Je suis resté près de 25 ans chez Sony, jusqu’en 2001, et j’ai connu beaucoup de PDG différents. Ils arrivent avec leur garde rapprochée et ils récupèrent des artistes tout en s’évertuant à en imposer de nouveaux. J’ai eu de la chance parce que j’ai pu faire des albums qui restaient intimistes, avec à chaque fois des ventes qui se confirmaient. Mais j’avais une position fragile. Heureusement, les responsables des maisons de disques ont continué à me faire confiance et à me donner des moyens.
JHM : Si vous vouliez qu’on retienne un titre de votre carrière, ce serait lequel ?
A. C. : J’aime bien “Chasseur d’ivoire”. Il y a dans ce morceau quelque chose de plus étrange, de plus abouti. J’aimais le texte et la façon dont la chanson se développe.
JHM : Claude François a été votre producteur au tout début de votre carrière. Mais il était devenu très jaloux de votre succès. C’est allé assez loin. Racontez-nous.
A. C. : Il était jaloux d’un artiste à qui il avait donné toutes ses chances. Pourtant, il ne pouvait pas être étonné du résultat puisqu’il avait tout fait pour.
Mais c’était plus fort que lui. Il avait cette incapacité à imaginer que d’autres pouvaient avoir du succès. C’étaient des réactions très colériques. En fait, il n’avait aucun recul sur le métier qu’il pratiquait et il avait cette volonté d’être toujours premier.
Quand je passais en première partie de ses concerts, il entendait le public qui réagissait à mes chansons pendant qu’il était dans les loges. Il préférait sans doute que la première partie ait moins de succès que sa prestation à lui. Alors, c’est arrivé qu’il débranche la sono quand j’étais sur scène. C’était maladif. Mais bon, au final, on en garde que les meilleurs souvenirs…
Propos recueillis
par Frédéric Thore