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Alain Bashung et Bernard Lavilliers

Divine descente aux enfers

Les cordes vocales de Bashung ont écorché la vie et ses mystères, jeudi soir, à Troyes. Magistral, l’homme aux lunettes noires a tutoyé l’au-delà avant de laisser place à Bernard Lavilliers. Fidèle à sa réputation, l’invité d’honneur des Nuits de Champagne a entraîné tout son monde vers de lointaines contrées.

 

La voix est le plus harmonieux des instruments à cordes. Lorsque Bashung pose son timbre sur deux noires et une blanche, les âmes prennent le maquis la fleur au fusil. L’inévitable clairière vaste et accueillante s’ouvre aux mortels. Seigneur du pays des matins calmes, Bashung effleure l’éphémère avec style, vigueur et délicatesse. L’artiste a choisi sa Joséphine : la belle à la grande faux ne saurait lui résister.

Accroché à la vie et à ses songes, l’homme aux lunettes et idées noires a convié ses proches à un émouvant voyage vers un univers incandescent peuplé de tendres mécréants. Campé sous le feu d’un halo céleste, Bashung a ouvert les portes de son paradis païen. L’artiste a choisi de vivre sa vie à perte de vue pour mieux fixer la mort sur les veines d’un bras tendu vers l’au-delà. A en frémir, à en chialer, Bashung s’est livré à une émouvante et diabolique démonstration d’élégance. Lorsque les vertiges d’une voix suave et rocailleuse épousent le chagrin mélancolique d’une contrebasse, l’espoir suspend son vol morbide. La mort ne vient pas seule. Elle traîne à jamais derrière elle le génie des âmes grises et fleuries. Bashung ira au diable. Il y a du Ferré dans cet homme là. Et de l’amour aussi.

On the road again

Lavilliers, Léo l’aurait sans doute aimé. Sous un voile blanc, une ombre surgit des artères de Beyrouth. Tous cuivres dehors, l’invité d’honneur des Nuits de Champagne effleure la misère et exhibe ses peurs. Servi par huit musiciens aux mains d’or, l’homme aux mille et uns voyages enchaîne les rounds à un rythme cadencé. Du Nicaragua à Pigalle la blanche, Lavilliers fixe la détresse des damnés de la terre sur le perron de ses illusions perdues. Le reggae se mêle à la détresse des peuples opprimés. Jovial, taquin et grave, Lavilliers s’en va à travers foule porter la bonne parole. Emportés par la magie d’une nuit d’automne, 4 000 spectateurs se lèvent comme un seul homme pour saluer un artiste singulier. Ce soir, les chœurs battront au rythme de l’œuvre éclectique d’un maître vêtu de cuir. La nuit sera belle sous le chant voluptueux des chorales.

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